le 01 juin 2012 - 11h49

Sam Peckinpah, une caméra au bout du canon

Ils sont peu nombreux à avoir marqué l’histoire du septième art de leur empreinte indélébile. Parmi eux, un certain David Samuel Peckinpah, né en 1925 en Californie, auteur culte du Hollywood des années 60‑70, qui signa plusieurs chef‑d’œuvres parmi lesquels La horde sauvage, Les chiens de paille, Guet‑apens ou encore Pat Garrett et Billy the Kid.

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Les films de Peckinpah révolutionnèrent le cinéma américain à la fin des années 60, tant d’un point de vue thématique (si le western crépusculaire a un sens, c’est à Peckinpah qu’on le doit), qu’esthétique (le cinéma d’action contemporain avec son utilisation massive du ralenti, son montage rapide et alterné s’inscrit dans la lignée peckinpienne).

 

Violence cathartique

Mais si l’on sacre aujourd’hui le réalisateur de Croix de fer, Hollywood le traita pendant des années comme un cinéaste radical et irascible, opposé à toute forme de pression. Toute la vie de Peckinpah ressemble d'ailleurs à ses films : une aversion viscérale à l’idéologie quelle qu'elle soit, une vision explosive de l’« american way of life », et une violence cathartique et suicidaire qui irradie son œuvre, comme seul exutoire possible à un monde en pleine déliquescence.

 

Héros fantomatiques

Même chose pour les personnages de Peckinpah, pour la plupart des figures fantomatiques d’un temps révolu. Et plutôt que de pactiser avec une modernité de pacotille (cf. le général mexicain grotesque de La horde sauvage), les héros de Peckinpah préfèrent disparaître ou s’anéantir à la barbe d’une société dans laquelle ils n’ont plus de place : à la fin des Chiens de paille, David Summer a perdu sa femme, son territoire, et découvert l’abjection humaine dans un petit bled paumé des Cornouailles. Pike Bishop et sa bande (la horde sauvage), incapables de s’intégrer dans un Ouest désormais parodique, se suicident sur fond de gunfight apocalyptique, tandis qu’Alfredo Garcia, sans doute le plus sombre des personnages peckinpiens, part à la rencontre de ses tortionnaires et provoque un carnage couleur rouge sang.

 

Les débuts chaotiques

Sam Peckinpah fait ses premières armes à la télévision en 1960 et réalise plusieurs épisodes de la série The Westerner. En 1961, Brian Keith (qui interprétait le rôle‑titre de la série), lui propose de réaliser son premier long métrage. Film de commande, New Mexico ne laisse à Peckinpah qu’une marge de manœuvre réduite mais lui permet déjà de dresser un portrait désenchanté de l’Ouest, à mille lieues de l’image idyllique véhiculée par ses prédécesseurs. Après Coups de feux dans la Sierra, la Columbia engage Peckinpah pour réaliser Major Dundee. La collaboration avec le studio s’avère catastrophique et inaugure des relations orageuses que Peckinpah ne cessera dès lors d’entretenir avec les majors. Le film est mutilé par la production dans la salle de montage, ce qui fera dire à Peckinpah : « Il y a une règle morale pour moi dans la vie : c’est la parole donnée... sauf aux producteurs ! Car alors ma morale devient de savoir tricher, mentir, voler pour ne pas l’être moi‑même ».

 

L'explosion du mythe

Suite à un retour fugitif par la télévision, Peckinpah reçoit en 1967 un script intitulé The Wild Bunch (La horde sauvage) que la Warner accepte de financer. Le tournage le plus pharaonique et épuisant du cinéaste débute en 1968 dans la région de Parras au Mexique. « J’ai fait La horde sauvage parce que j’étais très en colère contre toute une mythologie hollywoodienne, contre une certaine manière de présenter les hors‑la‑loi, les criminels, contre un romantisme de la violence. C’est un film sur la mauvaise conscience de l’Amérique ». Dans le milieu de la critique et des cinéastes, La horde sauvage fait l’effet d’une bombe. En 150 minutes et 3 600 plans, le film le plus célèbre de Peckinpah fait exploser l’image d’Épinal de l’Ouest, recule les limites de la censure (avec Bonnie and Clyde qui sort la même année) et impose un nouveau style de mise en scène.

Kris Kristofferson et Ali MacGraw dans Le convoi (1978)

Kris Kristofferson et Ali MacGraw dans Le convoi (1978)

 

Quatorze films, pas un de plus

L’âge d’or de Peckinpah prend alors son essor. Suivent Les chiens de paille (où Dustin Hoffman se transforme en guerrier moyen‑âgeux pour contenir le siège de sa ferme), Guet‑apens (un polar brillant autour du couple McQueen/McGraw), Pat Garrett et Billy the Kid, Croix de fer, Le convoi puis Osterman Week‑End en 1983. Le grand Sam s’éteindra quelques mois après le tournage de son quatorzième film.

 

Filmgraphie

1961 : The Deadly Companions (New Mexico) • 1962 : Ride the High Country (Coups de feux dans la Sierra) • 1964 : Major Dundee • 1968 : The Wild Bunch (La horde sauvage) • 1970 : The Ballad of Cable Hogue (Un nommé Cable Hogue) • 1971 : Strawdogs (Les chiens de paille) • 1972 : Junior Bonner, The Getaway (Guet‑apens) • 1973 : Pat Garrett and Billy the Kid • 1974 : Bring me the Head of Alfredo Garcia (Apportez‑moi la tête d’Alfredo Garcia) • 1975 : The Killer Elite (Tueur d’élites) • 1977 : Cross of Iron (Croix de fer) • 1978 : Convoy (Le convoi) • 1983 : Osterman Week‑End

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