le 08 février 2013 - 19h58

Robert Redford, un cow-boy pas comme les autres

Des taches de rousseur, le sourire vissé au visage, une réputation de séducteur invétéré, Robert Redford représente (avec Paul Newman) l’archétype de l’acteur américain célèbre, populaire et apprécié. Il aurait pu conserver son image d’acteur star, choyé dès ses débuts (en 1962) par la gent féminine pour son visage d’ange et son sourire dévastateur. Il aurait pu aussi, comme Warren Beatty, continuer à jouer les vieux sex‑symbols décatis. Au lieu de cela, Robert Redford a vite compris que son physique avantageux ne le mènerait pas forcément très loin.

A

Né en 1932 à Santa Monica, Californie, Robert Redford démontre très tôt de grands talents athlétiques. Champion de tennis et de base‑ball (Le meilleur, qu’il tournera sous la direction de Barry Levinson en 1984, sera un hommage à son sport favori), Redford s’avère également être un peintre doué. En 1959, il fait ses débuts sur la scène de Broadway dans Tall Guy, avant d’obtenir son premier (petit) rôle au cinéma dans War Hunt. La même année, Redford est embauché pour assurer de petits rôles à la télévision, dans Twilight Zone et le fameux épisode de la série Alfred Hitchcock Presents, Route 66. C’est en 1962 qu’il tourne son deuxième film sous la direction de Sydney Pollack. Ce sera Propriété interdite aux côtés de Nathalie Wood, qui sort alors de West Side Story de Robert Wise. Entre les deux hommes, l’entente est parfaite et augure une carrière conjointe de six films jusqu’à Havana en 1990.

 

Les débuts du Kid

Redford s’est ainsi toujours employé à choisir ses personnages, ses films, ses metteurs en scène, tournant au fil des ans avec les plus grands : Sydney Pollack (son réalisateur fétiche), Marlon Brando (dans La poursuite impitoyable), Paul Newman (L’arnaque et Butch Cassidy), Richard Attenborough (Un pont trop loin) ou encore Robert Mulligan (Daisy Glover). En 1980, Robert Redford a atteint le sommet de la gloire. Mais le plus célèbre rôle de Redford demeure sans conteste celui du Kid dans le film réalisé par George Roy Hill en 1969 : Butch Cassidy et le Kid. Même si le réalisateur avait, pour le rôle, arrêté son choix sur Redford, Richard Zanuck, le producteur, fit tout pour évacuer cet acteur inexpérimenté (Redford n’avait alors que six films à son actif). Mais rien n’y fit. Roy Hill tint bon et accepta d’embaucher Paul Newman (la star du moment), afin de lui donner la réplique. Le film mit alors la carrière de Robert Redford sur orbite.

 

Du western au film politique

Mais pour la plupart des cinéphiles, Robert Redford restera l’un des acteurs majeurs des années 70 qui, aux côtés de Dustin Hoffman, Gene Hackman et Paul Newman, revigora le western et le film politique. Rappelons-nous. À partir de la fin des années 60, les États‑Unis, secoués par les assassinats politiques, la guerre du Vietnam et bientôt l’affaire du Watergate, entreprennent leur propre relecture de l’Histoire. Sous la férule de Sam Peckinpah (Coups de feu dans la Sierra et surtout La horde sauvage) et d’Arthur Penn notamment (Le gaucher, qui voit en 1969 l’intrusion de la psychanalyse dans le monde des gâchettes de l’Ouest), le western devient un genre où s’exprime la contestation. Fini le temps où les Indiens condensaient toute l’ignominie humaine, désormais, l’Ouest devient un genre parodique où sont moquées ou remises en question les valeurs d’antan. Avec Le cavalier électrique (1979), Willie Boy en 1969, Jeremiah Johnson (Sidney Pollack, 1972) et surtout Butch Cassidy et le Kid, Robert Redford incarne avec Newman et Dustin Hoffman (Little Big Man), le renouveau d’un genre que l’on pensait éteint. Le western devient écologique et sert aussi d’arrière‑plan à une attaque frontale contre l’engagement américain au Vietnam.

 

La figure des Seventies

Mais les années 70 voient également l’émergence du film politique, voire pamphlétaire, qui dénonce par tous les moyens la corruption qui gangrène la société américaine. Sous la direction d’Alan J. Pakula, l’un des grands réalisateurs de la décennie,
Redford tourne coup sur coup deux fleurons du genre : Les hommes du président puis Les 3 jours du Condor. Dans le premier, il incarne aux côtés de Dustin Hoffman (qui joue le rôle de Carl Bernstein) Bob Woodward, un journaliste du Wahington Post qui mit à jour le scandale du Watergate. Les hommes du président reproduit minutieusement le déroulement de l’enquête, avec ses témoignages, ses indicateurs, ses fausses pistes, et constitue l’archétype de ce que l’on nomma alors le film‑dossier. Un an plus tard, Redford récidive et, toujours avec Pakula (qui avait déjà signé en 1974 À cause d’un assassinat avec Warren Beatty), tourne dans Les 3 jours du Condor. Là encore, son nom est associé à un film‑enquête remarquable décortiquant les rouages d’un complot politique. Mais à partir de la fin des années 70, la carrière de Robert Redford prend un nouveau virage.

 

La réalisation

En 1980, l’âge d’or des années 1970 au cours desquelles il a enchaîné les succès est derrière lui. Il décide alors de se lancer dans la réalisation et signe Des gens comme les autres, huis clos intimiste avec Donald Sutherland, Timothy Hutton et Elizabeth McGovern. Dans ce film, on assiste au délabrement psychologique d’une famille aisée suite au décès du fils aîné. Le film remportera un grand succès public et raflera l’Academy Award du meilleur film de l’année 1980. Désireux de prendre son temps, Redford ne retournera derrière la caméra que huit ans plus tard avec Milagro, une ode aux paysans mexicains malmenés par d’abjects exploitants américains. Suivront Quiz Show (adaptation d’un célèbre scandale télévisé des années 50 avec Ralph Fiennes et John Turturro), le très populaire Homme qui murmurait à l’oreille des chevaux, La légende de Bagger Vance en 2000, Spy Game, jeu d'espions en 2001, ou encore Lions et agneaux en 2007. Sans oublier Sous surveillance, thriller avec Shia LaBeouf et Susan Sarandon le 1er mai prochain au cinéma.

 

Robert Redford dans Les hommes du président (Alan J. Pakula, 1976)

Robert Redford dans Les hommes du président (Alan J. Pakula, 1976)

 

Sundance

Outre ses activités d’acteur et de réalisateur, Redford crée également le festival américain de films indépendants de Sundance, afin de donner leur chance à de jeunes réalisateurs ignorés par les studios. Un projet qui lui tenait à cœur depuis le milieu des 70, alors qu’il tournait Jeremiah Johnson. Aujourd’hui, le Sundance Film Festival constitue l’une des étapes incontournables de la saison cinématographique et a permis, au fil des ans, la découverte d’innombrables nouveaux talents. À 76 ans, Robert Redford continue d’ajouter ses pierres à une carrière déjà bien remplie et constitue l’une des personnalités les plus influentes et de l’industrie hollywoodienne. Et si la carrière d’acteur de Robert Redford a pris un tour plus académique, donnant la réplique à de grandes stars féminines (Meryl Streep dans Out of Africa, Demi Moore dans Proposition indécente, Michelle Pfeiffer dans Personnel et confidentiel), il semble aujourd’hui plus intéressé par son métier de cinéaste et par celui de découvreur de nouveaux talents.

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