le 24 avril 2008 - 12h10

Philippe Grimbert et Claude Miller

Adaptation cinématographique du roman éponyme de Philippe Grimbert, Un secret est aussi une rencontre entre un réalisateur et un auteur. Deux hommes qui ont su trouver les mots et les plans justes pour raconter une même histoire.

A

 

Comment avez-vous connu le livre de Philippe Grimbert ?

 


Claude Miller (photo ci‑contre) : de façon assez classique. Le producteur Yves Marmion et moi-même avions envie de retravailler ensemble. Cela faisait déjà un certain temps que nous avions pris l’habitude de nous échanger des livres et des projets susceptibles de pouvoir devenir des longs métrages. C’est lui, le premier, qui m’a parlé d’Un secret. C’était au moment de la sortie du roman. Si je ne savais pas encore comment l’adapter, j’avais envie de le faire. Il m’a dit que c’était une bonne chose, mais que je n’étais pas seul sur les rangs. Et que Philippe Grimbert désirait me rencontrer pour faire son choix.

 

Claude Miller n’était pas votre premier choix ?

 


Philippe Grimbert (photo en bas) : le désir de voir mon livre devenir un film ne vient pas de moi. C’est ma maison d’édition qui m’a fait savoir que plusieurs metteurs en scène étaient intéressés. Je n’y avais jamais songé. De toute façon, je le jugeais inadaptable. Mais lorsque mon éditeur m’a communiqué l’engouement de toutes ces personnes, j’ai eu le luxe inouï de pouvoir choisir…

 

Comment s’est déroulée cette première rencontre ?

 


PG : j’ai crû comprendre qu’on était très impressionnés tous les deux. Moi d’abord, dans la mesure où j’avais vu tous ses films -que j’adore-, et que si on m’avait demandé mon film de prédilection de Claude Miller, j’aurais immédiatement répondu La meilleure façon de marcher. Ensuite, je n’aurais jamais pensé le rencontrer dans de telles circonstances.
CM : on n’a pas vraiment beaucoup parlé ensemble, mais j’ai senti dès la lecture du livre cette familiarité entre La meilleure façon de marcher et Un secret. Leur dualité entre le cérébral et le physique est très similaire. Je pense que c’est cela qui a fait pencher la balance en ma faveur, même si c’est inconscient de la part de Philippe.

 

Avez-vous participé d’une façon ou d’une autre au travail d’adaptation du film ?

 


PG : de ce point de vue, Claude et Natalie Carter (scénariste, NDLR) ont eu la gentillesse de me demander mon avis sur le scénario. Ce qu’ils n’étaient pas obligés de faire… Par exemple, je suis parti de la fiction pour trouver la vérité autour de cette histoire. Et Claude s’est aussi servi de cette fiction pour aller vers une vérité. À l’écran, elle prend encore plus le statut de vérité qu’à l’écriture, où l’équivoque chez le lecteur est très présente.
CM : la littérature permet toujours plus d’équivoque que le cinéma. Par exemple, on a eu la chance que le moment le plus tragique du film (quand Anna fait ce terrible choix) plaise à Philippe. Dans le cas contraire, j’en aurais été désolé, mais je n’aurais pas pu faire autrement. Par goût personnel, je souhaitais que l’acte soit plus volontariste que non-volontariste. Quand je me mettais dans la peau d’Anna, j’avais envie que son geste soit synonyme de rébellion affective. Ensuite, je devais diriger Ludivine Sagnier et lui expliquer la scène pour qu’elle la joue de la bonne façon. À l’écriture du scénario, cette direction était déjà très claire. C’était plus un acte de violence qu’un acte de distraction.
PG : en faisant ce choix, Claude est en parfaite adéquation avec le livre. Anna est un personnage tragique. Dans le roman, j’ai fait de son acte un geste suicidaire tragique. Les lectrices ont eu beaucoup de mal en voyant cette mère qui se sacrifie en même temps que son fils. Mais la littérature et le cinéma sont aussi faits pour aller vers l’insupportable, et pas forcément vers le convenu.


Le scénariste Philippe Grimbert

 

En regardant les scènes coupées, on a l’impression que vous regrettez de ne pas les avoir gardées…

 


CM : j’ai d’abord enlevé la scène finale parce que je trouvais que ce qu’elle véhiculait était déplacé. La scène était gracieuse, presque poétique, mais sa couleur contrastait trop fortement avec les thèmes tragiques que brasse le film. Dans cette même logique, il fallait que j’enlève la scène du petit fantôme où Ludivine a peut-être un regard trop bienveillant qui peut être mal interprét é. Comme une espèce de pardon, alors que je voulais faire ressortir la culpabilité. Au final, je n’ai aucun regret de les avoir enlevées du montage définitif du film.

 

Le film est-il encore plus appréciable au deuxième visionnage, alors que l’on connaît le secret ?

 


PG : oui, parce qu’il est très difficile d’apprécier toute la richesse d’un film la première fois.

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