par Jean-Baptiste Thoret
13 juillet 2010 - 09h36

À l'origine

année
2008
Réalisateur
InterprètesFrançois Cluzet, Emmanuelle Devos, Gérard Depardieu, Stéphanie Sokolinski, Vincent Rottiers
éditeur
genre
sortie
30/11/-0001
notes
critique
5
10
A

À l’origine, un invraisemblable fait divers. Un escroc sans envergure habitué à plumer fissa des petites entreprises de province découvre un jour dans le Pas‑de‑Calais un chantier d’autoroute abandonné. Paul, bientôt renommé Philippe Miller, pressent dans la reprise de ce chantier la possibilité d’une arnaque juteuse. Pour les habitants de la petite bourgade, frappés par le chômage, la misère sociale et le grisou, l’arrivée de Philippe sonne Noël avant l’heure. Banquiers, maire, employés, ex‑ouvriers sur le carreau, tous se remettent en mouvement et s’embarquent aveuglément dans une aventure démesurée (construire en plein champ un tronçon d’autoroute) sous l’impulsion d’un homme bientôt dépassé par son entreprise mensongère. Pourtant grossière dans le détail, l’arnaque fonctionne (presque) sans embûches, grâce à l’immense besoin de croyance de cette communauté jusque‑là sinistrée.

En gestation depuis plus de dix ans, À l’origine sort à point nommé au milieu d’un contexte post‑crise dont il se fait partout l’écho. On reproche suffisamment au cinéma français sa surdité face à la réalité économique et sociale de notre pays pour ne pas, d’abord, saluer l’ancrage concret du quatrième film de Xavier Giannoli (Une aventure, Si j’étais chanteur), son désir d’en découdre, pieds dans les bottes et les flaques de boue, avec une classe ouvrière en train de crever ‑délocalisations, abandon de l’État, dépression, chômage, délinquance-. Soit un an de JT régional en accéléré et en Cinémascope.

There Will Be Blood dans le Nord de la France ? Les Misfits chez les Ch’tis ? Une autre fois peut-être. Car, en dépit de ces 2h30, le film de Gianolli manque curieusement d’amplitude, de folie et donc de souffle, tant du point de vue du personnage central que du groupe qu’il fédère. À l’exception du maire du village, interprété par Emmanuelle Devos et victime d’une historiette amoureuse pour le moins conventionnelle, aucun des personnages secondaires ne parvient à accrocher pour lui‑même le fil de cette épopée ouvrière. Drôle de paradoxe pour un film qui célèbre partout l’élan collectif et la beauté du lien social lorsqu'il se récrée, et qui jamais ne trouve la forme susceptible de l’incarner. À ce sujet, revoir Qu’elle était verte ma vallée et le fonctionnement cinématographique du démocratisme fordien.

Au final, À l’origine patauge, bégaie, comme plombé par le silence de son escroc ‑François Cluzet d’abord juste, mais dont l’inébranlable mutisme finit par lasser‑ et les riffs planants de Cliff Martinez n’y changent rien. Sans doute Gianolli s’est‑il laissé (trop) happé par l’obstination de ce Jean Valjean moderne, homme invisible puisant dans le simulacre et l’escroquerie le sel d’une identité sociale et rédemptrice. La métaphore déçoit (« une autoroute qui ne mène nulle part », avoue Miller au milieu du film, bof) et l’ironie actuelle du scénario (un voyou qui devient patron à l’heure où les patrons se comportent comme des voyous) vise très en‑deçà de la puissance métaphysique que ce film, à l’origine, aurait pu déployer.

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Tous publics
Prix : 24,99 €
disponibilité
24/03/2010
image
2.35
HD 1 080p (Mpeg4 AVC)
16/9 natif
bande-son
Français DTS-HD Master Audio 5.1
sous-titres
Aucun
7
10
image
Tourné dans le Nord de la France en hiver, À l'origine nous offre une photographie glaciale teintée de bleus, de paysages endormis et cieux lourds. Une atmosphère plus froide tu meurs mais qui fait preuve d'une belle définition et d'une compression flatteuse. Les scènes sombres ou peu éclairées présentent comme bien souvent des arrière-plans mouvants (quelques aplats neigeux aussi), mais compte tenu du décor et des partis pris esthétiques, on parvient aisément à passer outre.
7
10
son
Peu de choses à noter sur plan sonore hormis une présence accrue à l'arrière lorsque la musique se déclenche. Le reste du temps, il faut se satisfaire de la petite présence frontale et de quelques bruitages environnants.
3
10
bonus
- L'interview, court métrage en N&B, Palme d'or au Festival de Cannes 1998 (18')
- Duo pour un danseur et une pelleteuse (5')
- Photos (3')
La performance artistique mettant en scène une pelleteuse et un danseur nous est complétement passée au-dessus de la tête… Peut-être y a-t-il des amateurs ? Heureusement, le court métrage de Xavier Giannoli avec Mathieu Amalric est là. À voir.
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