par Jean-Baptiste Thoret
06 février 2018 - 10h55

Inception

année
2010
Réalisateur
InterprètesLeonardo DiCaprio, Ellen Page, Marion Cotillard, Joseph Gordon-Levitt, Tom Hardy, Ken Watanabe, Tom Berenger, Michael Caine
éditeur
genre
notes
critique
7
10
label
A

Si l’on devait comparer Inception, blockbuster classieux que même les spectateurs intelligents ont vu, à un objet, ce serait sans doute une toupie russe. Jusqu’à plus ample informé, cette toupie n’existe pas. C’est un paradoxe, une vue de l’esprit, une construction abstraite digne des escaliers impossibles du peintre Escher que Nolan a patiemment étudié. Si cette toupie existait, elle virevolterait sur elle‑même, provoquerait le vertige de celui qui la fixe, lui retournerait peut‑être le cerveau, et décrirait des cercles de plus en plus petits jusqu’à atteindre un point infinitésimal proche du néant. Cette toupie pourrait aussi être une montagne imposante accouchant d’une micro‑souris, ou un roulement de tambour océanique qui s’achèverait par une grève de l’orchestre.

Pourtant, Inception est tombé à point nommé si l’on en juge le succès pharaonique obtenu par le film et le consensus critique qui en a suivi. Soit un formidable révélateur de l’attente d’un public qui y a visiblement trouvé son compte. Car si le jouet est nul, le mode d’emploi, lui, est astucieux, pour ne pas dire génial. Pénétrer dans le cerveau d’une proie, lui implanter une idée virale, échafauder des univers fous mais vraisemblables à la manière d’un immense jeu de rôle, affronter des projections imaginaires sorties d’un subconscient militarisé (ici des pingouins surarmés en combi blanches !)…, on ose à peine imaginer ce qu’un Kubrick ou un Nicholas Roeg (réalisateur de l’impressionnant Ne vous retournez pas, l’un des films fétiches de Nolan) en auraient fait.

C’est grâce au succès du très bon The Dark Knight que Christopher Nolan, nouveau prodige sur lequel Hollywood semble miser, a pu sortir de terre cet Inception, thriller labyrinthique qui cale son pas sur celui de Dom Cobb, un « extracteur » qui s’introduit dans les rêves d’autrui afin de lui soutirer des informations. Un jour, pourtant, un sujet va poser une série de problèmes inattendus.

Et si le vrai truc psychanalytique de Inception était moins son récit à tiroirs (emboîtement de rêves épuisant pour élève besogneux qui aurait trop lu Edgar Poe ou les frères Bogdanov), que la façon dont il fonctionne, pour des spectateurs régulièrement abrutis par des flux de produits décérébrés, comme un refoulé en forme de test d’intelligence ? Après 2012, L’agence tous risques et les productions EuropaCorp, savez‑vous toujours réfléchir ? Pouvez‑vous encore comprendre une langue qui dépasse les onomatopées métalliques des robots de Transformers ou les borborygmes guerriers de Jason Statham ? Êtes‑vous encore capable de suivre sans flancher une dizaine de tirades exposant les règles complexes d’un mécanisme qui se prépare à fonctionner (première demi‑heure du film) ?

Inception agit d’abord comme un défi lancé à notre intelligence. Et cette épreuve se déroule en plusieurs temps. Nolan le petit malin teste d’abord votre niveau en géométrie dans l’espace, cette matière si sélective qui, dès le collège, en laissait tant sur le carreau. Ensuite, votre capacité à imaginer des choses abstraites (conceptualiser la « boucle » d’un décor par exemple), et votre compréhension, même sommaire, du théorème de la relativité (le temps du rêve, différent du temps réel). Enfin, arrive le moment du barnum psychanalytique : avez‑vous bien compris le complexe d’Œdipe ? Saviez‑vous que petit fiston veut coucher avec maman et supprimer papa ? Et le subconscient, c’est quoi au juste ?

Avatar nous soumettait à un test de motricité, Inception nous immerge dans les arcanes d’un cerveau véloce, celui de DiCaprio et de sa bande d’endormeurs nickelés qui tournent tous à 250 tours/Q.I par minute. Sortir indemne de l’expérience du film, avoir suivi jusqu’au bout son filin d’Ariane (Ellen Page), pouvoir enfin en discuter avec vos semblables, c’est bon pour le moral (vous n’êtes pas totalement débile), ça booste votre ego (votre stock de neurones est encore conséquent) et c’est jouissif puisqu’à la fin, lorsque la caméra revient vers la fameuse toupie, vous pouvez glousser avec vos congénères. Soulagé, ouf ! Vous aussi, vous avez compris ! C’est la vache qui rit dans l’oreille de la vache qui rit. Why not ? Mais gare à ceux qui, pendant la séance, ont bâillé d’ennui. Au « brain screening test » d’Inception, ils ont été recalés.

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cover
Tous publics
Prix : 29,99 €
disponibilité
08/12/2010
image
2.35
HD 1 080p (VC-1)
16/9 natif
bande-son
Français Dolby Digital 5.1
Anglais DTS-HD Master Audio 5.1
Allemand Dolby Digital 5.1
Italien Dolby Digital 5.1
sous-titres
Français, néerlandais, italien pour sourds et malentendants, allemand pour sourds et malentendants, anglais pour sourds et malentendants
10
10
image
Dans la lignée du sublime du même auteur, la photographie sombre et corsée du film signée Wally Pfister se prête à merveille au support haute définition et brille de mille feux (dans tous les sens du terme). D'ailleurs, vous verrez la différence de rendu avec le DVD du film présent en bonus. Si le résultat est de qualité, ça n'a rien à voir niveau piqué, couleurs, précision et arrière-plans (souvent bouchés sur DVD). Ici, les noirs claquent, les décors classieux créent un univers absolument sublime, entre architecture folle (Paris qui se renverse, plans visuellement infinis) et séquences plus oniriques (le ciel, les nuages, la mer…). Tout est travaillé au millimètre, inspiré, composé comme un tableau, ténu dans la gamme des couleurs (du bleu et du jaune). Zéro défaut à signaler. Une perfection.
10
10
son
La partition de Hans Zimmer, faite de cuivres puissants, vibrants et rebondissant sur le subwoofer, prend une ampleur incroyable en VO DTS-HD Master Audio 5.1. À tel point que les dialogues semblent parfois sous-mixés face à de telles vagues de graves. Sa présence rythme littéralement le film (tout s'arrête brutalement puis repart encore plus fort), et le Non je ne regrette rien de Piaf se rappelle à nous régulièrement, au même titre qu'il déclenchera le réveil simultané des personnages. La version française se défend très bien également. Surprenante, elle propose des voix bien placées et des basses aussi musclées que possible. La VO l'emporte quand même pour son ampleur, la localisation de tous les effets avant et arrière (lors des fusillades par exemple avec éclats de verre) et son action hautement immersive en plein rêve(s).
7
10
bonus
- Mode de lecture « Extraction » proposant des modules vidéo explicatifs plein écran lors de scènes clés du film (190')
- Documentaires sur les rêves en HD (59')
- Bande originale de Hans Zimmer à écouter par morceau ou en intégralité
- Galerie d'art conceptuelle autour des décors du film et projets d'affiches
- Bandes-annonces et spots TV
- DVD du film
- Accès BD Live
Le mode de lecture « Extraction » propose de revoir le film tout en ajoutant lors de scènes clés des modules généralement constitués d'interviews ou de commentaires audio, de Christopher Nolan notamment. Vous en saurez ainsi plus sur les origines du film, son processus de création qui a duré plus de dix ans (à la fin de chacun de ses tournages, Nolan reprenait et reprenait indéfiniment le scénario), ses inspirations (les propres rêves du réalisateur, le peintre néerlandais Maurits Cornelis Escher…), la conception des effets spéciaux par Chris Courbould (notamment l'explosion à Paris et les coulisses des scènes projetant des tonnes d'eau sous pression sur le plateau…). Le cœur de cette interactivité est parfait pour revoir le film une seconde fois, sans le hacher menu par un trop plein de modules (rares mais passionnants). À voir aussi, le sujet sur les rêves présenté par le comédien Joseph Gordon-Levitt (bizarrement intitulé « Coulisses du film » dans les bonus). D'éminents spécialistes et universitaires reviennent sur le monde du rêve, les différentes théories de l'inconscient. On survole forcément un peu le sujet, mais il a le mérite d'être informatif et ludique. Le reste de l'interactivité (formidable BO de Zimmer, dessins des décors, affiches…) se grignote d'un œil ou d'une oreille distrait. On regrette surtout l'absence de commentaire audio et d'une analyse d'image du film, au moins sur une séquence ou deux.
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