par Jean-Baptiste Thoret
16 juin 2010 - 11h40

Carlos

année
2010
Réalisateur
InterprètesÉdgar Ramírez, Nora Von Waldstatten, Abbes Zahmani, Alexander Beyer, Ana Maria
éditeur
genre
notes
critique
8
10
label
A

Terrorisme ? Non, géopolitique. C’est sans doute la grande leçon du très bon triptyque fleuve (5h30) réalisé par Olivier Assayas sur Illich Sanchez Ramirez, alias Carlos, dont il retrace minutieusement l’épopée politico‑criminelle, de la spectaculaire prise d’otages des onze ministres de l’Opep à Vienne en 1975 (point de bascule du parcours de Carlos qui rompt alors avec le FLPL et morceau de bravoure du film) à son arrestation en 1994 au Soudan.

Fils d’un avocat communiste vénézuélien, ogre dandy et séducteur (une main sur la gâchette, l’autre entre les jupes des femmes), Carlos a très tôt cette intuition géniale que le grand combat qu’il prône contre l’impérialisme capitaliste, soit le point commun entre la Raf, l’Armée Rouge japonaise et le FLPL, ne pourra se faire efficacement qu’au prix d’une internationalisation des luttes armées. En se mondialisant, le terrorisme entre alors dans l’ère de sa propre modernité. « Carlos n’est pas un film politique, précise Assayas, c’est un film sur la politique. Il montre la façon dont on passe de l’idéalisme à l’idéologie, de l’idéologie au pragmatisme, et du pragmatisme au cynisme ».

« On », ce sont ces factions révolutionnaires qui, à partir du début des années 1970, prolifèrent partout dans le monde, mais de façon éclatée, déconnectée. Ici l’Italie, là le Japon, de l’autre côté du Rideau de Fer, le front de libération populaire de la Palestine (FLPL) ‑revoir au passage tous ces films récents (United Red Army à La Prima Linea, L’avocat de la terreur et même le décevant La bande à Baader) qui, avec Carlos, commencent à fabriquer un corpus cinématographique passionnant sur ces années de rage-.

De ce point de vue, Carlos raconte au moins deux histoires, celle de l’auteur de l’attentat de la rue Marbeuf, et celle du gauchisme européen, dont il enregistre l’éclat et la gueule de bois. Comment passe‑t‑on du centre du jeu politique à sa marge et au gangstérisme ? Comment après avoir servi de bras armé à Kadhafi, et occupé une position clé dans la plupart des conflits du Proche‑Orient, ce fonctionnaire efficace des politiques clandestines se retrouve‑t‑il au Qatar et bientôt persona non grata à Kartoum ? Le film d’Assayas montre très bien comment après la chute du mur de Berlin, la donne change et la géopolitique se reconfigure. En une poignée de mois, Carlos l’apatride devient alors un poids mort, « un sac de vin », un pion soudainement encombrant que les États, au nom de l’immense repositionnement stratégique imposé par la fin de la Guerre Froide, se refilent comme une patate chaude.

Avec ce projet télé atypique que l’industrie du cinéma français, en l’état, ne pouvait accueillir, Assayas trouve enfin l’amplitude idéale (le film fut tourné aux quatre coins de la planète et en plusieurs langues) qu’il cherchait depuis Demonlover en 2001. Le film colle au plus près de son personnage, épouse le tournis de ses trajets (en une journée, Damas‑Tripoli‑Damas), ne cède ni à l’héroïsation façon Mesrine (Carlos, résistant moderne ? Aucune trace d’ambiguïté ici), ni à la fabrique de l’icône (cf. premier volet du Che), et contribuera peut‑être à modifier le paysage des séries télé françaises.

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dvd
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Tous publics
Prix : 24,99 €
disponibilité
03/06/2010
image
2.35
SD 576i (Mpeg2)
16/9 compatible 4/3
bande-son
Français Dolby Digital 5.1
Anglais/International Dolby Digital 5.1
sous-titres
Français, anglais
8
10
image
Désaturation des couleurs, mise en époque efficace et raffinée, légère surexposition, décors dépouillés filant à toute allure (l'enchaînement des lieux de tournage d'un pays à l'autre passe d'ailleurs très bien), ambiance presque douce contrastant fortement avec la violence des faits, petit côté suranné charmeur… Cette image brille sur ces trois disques DVD. De rares fourmillements à noter en arrière-plan. Un très beau travail de la photographie et de mise en scène auquel cette édition rend grâce.
7
10
son
Forte dominante des ambiances à l'avant. Les enceintes arrière sont assez peu sollicitées, hormis lors des séquences musicales et du thème principal. Deux pistes 5.1 (tout en français ou français/multi-langues) de petite envergure mais suffisantes pour suivre cet écheveau de la violence déroulé par Carlos.
7
10
bonus
- Making of (20')
Vingt minutes de tournage d'une scène en particulier, celle de la prise d'otages des ministres de l'Opep. Commentée par le réalisateur, on découvre de nombreuses plages de tournage live, intérieur et extérieur. Tous les making of devraient ressembler à celui-ci.
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