Katalin Varga
En pleine Transylvanie, Katalin Varga doit quitter avec son fils le village où elle vivait en compagnie de son mari, celui‑ci ayant appris que l’enfant est le fruit d’un viol. Katalin n’a alors qu’une idée en tête : retrouver les hommes responsables de sa condition…
Katalin Varga fait partie de ce sous‑genre que d’aucuns pourraient juger douteux : le rape and revenge (« viol et vengeance »), qui voit la plupart du temps une femme abusée par des hommes exercer sa vengeance, avec parfois quelques variantes. Une tendance qui a donné naissance à quelques fleurons du cinéma d’exploitation (I Spit on your Grave ou La dernière maison sur la gauche), mais qui, paradoxalement, trouve littéralement sa source dans le cinéma d’auteur pur et dur, puisque le genre fut initié par nul autre qu’Ingmar Bergman via le film La source, le modèle de Wes Craven pour La dernière maison sur la gauche.
Le rape and revenge, malgré ou grâce à son argument de départ pour le moins sordide, est donc un terrain propice à des variations très différentes. Katalin Varga est plus proche de Bergman, avec un traitement visuel naturaliste qui profite des décors ruraux et fantomatiques de la Transylvanie pour plonger son héroïne dans une sorte de no man’s land où le temps semble s’être arrêté, et où la nature observe d’un œil indifférent sa vengeance.
Le cinéaste Peter Strickland établit par petites touches toute la complexité morale d’un tel acte, tout en imprégnant ses images d’un lourd sentiment d’inéluctabilité via des plans très lents accompagnés d’une musique éthérée et d’effets sonores déstabilisants qui sont pour beaucoup dans l’atmosphère envoûtante du long métrage. Bien sûr, un tel traitement implique forcément un rythme indolent qui risque de rebuter les adeptes de narrations plus musclées, mais pour peu que vous vous laissiez ensorceler par ce voyage sombre et désespéré, vous devriez vous rappeler longtemps de Katalin Varga…