par Jean-Baptiste Thoret
09 novembre 2010 - 12h31

Film socialisme

année
2010
Réalisateur
InterprètesCatherine Tanvier, Christian Sinniger, Jean-Marc Stehlé, Patti Smith, Robert Maloubier, Alain Badiou
éditeur
genre
notes
critique
3
10
A

Il se passe tellement de choses dans le dernier monument de Jean‑Luc Godard, tant de personnages énigmatiques et de guest‑stars se croisent (Patti Smith, Alain Badiou…), tant de saynètes folles (un serveur préparant un café, un vieux monsieur aux bras d’une jeune fille, un dancefloor filmé au téléphone portable, une version contemporaine de l’escalier d’Odessa…) et d’assertions tétanisantes (« L’Islam est l’Occident de l’Orient »/« Aujourd’hui ce qui a changé, c’est que les salauds sont sincères ! » : THE réplique culte du film), tant de mètres de pellicule à penser et de singularité exposée, que l’espace restreint de la critique atteint ici ses limites.

On se contentera donc de préciser le propos vertébral de Film socialisme, ce qui structure a priori ce feu d’artifice godardien en diable, parfois ennuyeux, souvent prévisible mais constamment amusant, soit le court dialogue d’ouverture : « L’argent est un bien public/Comme l'eau alors ?/Exactement ». Fichtre, on n'est pas parti pour rigoler. Quoique.

Après une première partie maritime (pendant une croisière, des propos très intelligents s’échangent entre des individus pas dupes et des acteurs pas toujours au fait du texte profond qu’ils débitent) et quelques belles images de mer, le film accoste dans un garage rural, en compagnie d’une famille ordinaire qui, d’une vaisselle l’autre, disserte sur Husserl et la démocratie, d’une pompe à essence, d’un journaliste de France 3 Région et d’un lama touchant. Formidable lama, sans doute le meilleur acteur du film qui, parce qu’il n’a pas conscience de jouer devant la caméra d’un génie, se contente de mastiquer face spectateur et à hauteur d’animal, en toute innocence donc, comme s’il mastiquait dans une version avant‑gardiste d’un film burlesque hollywoodien. On le sait, le burlesque est avant tout un art du décalage, entre un objectif et les moyens mis en œuvre pour l’atteindre. Ce qu’est devenu le cinéma de Godard qui, à moins d’être pris au sérieux ou pour ce que l’on voudrait qu’il soit (plutôt mourir de rire que d’ennui), à son corps défendant peut‑être, contient désormais une puissance comique inestimable. Soit le génie burlesque de Godard : une incroyable science du décalage entre désir d’embrasser l’actualité du monde et de l’Histoire, d’être aux avant‑postes du cinéma, et ce qui appert sur l’écran. Facétieux Godard !

Car on ne peut pas dire qu’il y ait grand‑chose à voir de nouveau dans le dernier opus de l’ermite de Rolle (la lecture du script édité chez P.O.L devrait suffire), hormis ce que dans la novlangue avant‑gardiste (langue inventée par George Orwell pour son roman 1984, NDLR), on nomme des blocs d’espace‑temps non reliés entre eux, ou ce que les théoriciens de la radicalité académique appellent un film fabriqué politiquement où les collages acquièrent une incroyable puissance dialectique (Israël = un crocodile dévorant une petite bestiole en pleine mer), un brûlot d’intervention sociale (l’homme est devenu une monnaie d’échange, l’économie dirige le monde, etc.), un grand moment de « cinéma pur » (un plan d’océan/un plan de buffet), une contre‑proposition éblouissante face à la pieuvre hollywoodienne (tout dire mais ne rien raconter) et des batteries d’aphorismes qui deviendront sans doute autant de thèses de cinéma. Un exemple : « Il faut savoir dire nous pour pouvoir dire je ». Diantre. Et ce n’est que le début de la digestion.

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Tous publics
Prix : 19,99 €
disponibilité
29/09/2010
image
1.77
SD 576i (Mpeg2)
16/9 compatible 4/3
bande-son
Français Dolby Digital 5.1
sous-titres
Anglais
7
10
image
L'image du film mélange des sources diverses, de la caméra HD au téléphone portable. D'où un rendu forcément dépendant de son origine. Mais dans le cas des images HD, majoritaires, la définition, la stabilité et les contrastes sont excellents.
5
10
son
La piste Dolby Digital 5.1 ne tire quasiment jamais parti des enceintes arrière, préférant se concentrer sur les effets stéréo de la scène frontale. Des effets certes appuyés, mais qui pâtissent d'une gestion des dialogues assez catastrophique, souvent noyés dans les effets sonores. Un choix certainement conscient, mais néanmoins peu confortable à l'écoute.
3
10
bonus
- Entretien avec Jean-Luc Godard (17')
- Court métrage Rencontre S (22')
- Bandes-annonces
- Lien Internet
Dans un entretien donné à l'équipe du site Mediapart, Jean-Luc Godard explicite ses considérations sur le cinéma, le sens de la vie, le tennis, le socialisme... Chacun y trouvera un intérêt à la mesure du sérieux qu'il apporte aux dires du bonhomme. Quant à Rencontre S, il s'agit d'un court métrage dans le style de Godard, reprenant des images et des propos du cinéaste. Bon courage à ceux qui tenteront de voir le bout de ce qui ressemble parfois à une parodie tellement les tics du réalisateur sont repris avec servilité. À signaler, la présence d'une piste de sous-titres labellisés « sous-titres navajo », qui sont en fait des sous-titres en anglais « petit nègre ». La dénonciation jusque dans les menus du DVD ? Il est fort, Jean-Luc...
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