Un homme qui crie
On peut compter sur les doigts d’une main amputée les films en provenance du Tchad et qui parviennent à se tailler une petite carrière internationale. Un homme qui crie de Mahamet Saleh Haroun mérite au moins cet honneur.
Après Bye Bye Africa (1999), Abojuna (2002) et Daratt, saison sèche (2006), Haroun revient avec un film fort et élégant dont l’action se situe à N’Djamena, dans un hôtel de luxe. Là, Adam, un ancien champion de natation, est employé comme maître‑nageur depuis trente ans, aidé par son fils Abdel. Mais un jour, l’hôtel va connaître la privatisation, et donc la compression de personnel. Adam se retrouve muté au poste de garde‑barrière, tandis que son fils prend sa place. Pendant ce temps, une guerre interminable continue de faire rage et Adam, afin de montrer sa fidélité à l’égard de l’armée loyaliste, décide de livrer son fils Abdel, soupçonné d’aider les forces rebelles.
Film violent, âpre, Un homme qui crie dresse le portrait terrible d’un pays qui pousse ses citoyens à commettre l’irréparable (ici, la dénonciation d’un fils par son père). Pourtant, si les remords hantent le personnage d’Adam, Haroun évite de transformer son film en tribunal et déplie avec honnêteté la complexité des situations et des actes. Une petite merveille.