Stella femme libre
Au cabaret le Paradis, Stella (Melina Mercouri) danse et chante le rébétiko, musique populaire grecque. Et les hommes n'ont d'yeux que pour elle. Elle, femme libre, courageuse, gouailleuse, la clope au bec, qui aime aussi fort ses amants qu'elle déteste les carcans. Et la première de cette entrave, c'est le mariage. Lionne indomptable, Stella veut aimer et être aimée, mais sans appartenir à un homme. Vue comme une femme de mauvaise vie, Stella n'en a que faire. Elle préfère quitter Aleko (Alekos Alexandrakis), son amant issu d'une famille bourgeoise qui, éperdument amoureux d'elle, espère pouvoir l'épouser, pour vivre sa passion pour Milto (Giorgos Foundas), un footballeur fier et sauvage. Comme elle. Mais les traditions sont encore vives. Et à Athènes, la tragédie n'est jamais loin…
Ce qui frappe dans Stella femme libre (nominé pour la Palme d'or 1955 et sacré Golden Globe du Meilleur film étranger en 1956), second film de Mihalis Kakogiannis (plus connu sous le nom de Michael Cacoyannis, qui réalisera Zorba le grec et Electre), mais aussi premier rôle de sa star, Melina Mercouri (qui deviendra la muse de Jules Dassin), c'est sa modernité et sa fougue. À l'image de son héroïne qui ne déviera jamais de sa ligne de conduite, de ses convictions, le film tient son discours progressiste sans faillir. Et subira les foudres de la presse nationale de l'époque.
Progressiste, Stella femme libre l'est aussi dans sa forme. Michael Cacoyannis, metteur en scène grec d'origine chypriote et passé par Londres pour ses études, a les yeux tournés vers le monde. Et son art s'en ressent. Inspiré du néoréalisme italien tout en restant fortement ancré dans la culture populaire grecque (le rébétiko, donc, mais aussi les bouzoukis ‑luth grec‑, la vie athénienne…), Stella femme libre regarde à l'est et à l'ouest, pioche librement dans la comédie musicale hollywoodienne (Stella est une femme fatale doublée d'une féministe), la tragédie grecque, le cinéma européen. Allant même jusqu'à utiliser une valeur de plan iconique du western pour sa scène finale.
La portée de Stella femme libre dépasse donc largement les frontières de la Grèce. Soutenu par l'abattage de Melina Mercouri, tornade incroyable d'intensité, à la fois féminine et masculine, ce film, pas exempt de maladresses (le montage de la scène de l'accident, la séquence au stade où Stella apparaît pour la première fois agaçante), emporte le spectateur par son souffle de liberté. À ce titre, le montage parallèle entre deux scènes de danse, dont le rythme va crescendo, en illustre l'audace et l'impétuosité.