D’emblée, la séquence d’ouverture du film en dit long sur l’odyssée à venir. Une forêt dense et incandescente, un paysage d’enfer sur terre, nappé des partitions à la fois sombres et exotiques de la chanson prédicatrice des Doors, The End. Cet enfer donc, puis l’enfermement d’un homme, le capitaine Willard (Martin Sheen) ‑regard absent, comme dédoublé, sur fond noir‑ imbibé d’alcool et suintant l’angoisse existentielle. Le début d’Apocalypse Now a des allures de fin de règne.
Longtemps considéré à tort comme un film sur la guerre du Vietnam, Apocalypse Now incarne davantage une sorte de traversée, un trip hallucinatoire jusqu’aux vestiges d’une étrange civilisation sur laquelle règne un homme mystérieux, ancien militaire, le général Kurtz (Marlon Brando), niché aux confins de la frontière cambodgienne. Willard et ses hommes ont donc pour mission de le retrouver et le faire disparaître.
Bien que la source d’inspiration ne soit pas explicitée, Apocalypse Now puise ses références matricielles dans le roman de Joseph Conrard, Au cœur des ténèbres (1899). Bien au‑delà d’une confrontation avec un camp rival, les soldats de l’armée américaine ont perdu la notion du contrôle jusqu’à celle du temps. Leur guerre à eux est travestie en une gigantesque farce dans laquelle drogues, Bunnies et planches de surf cohabitent étrangement.
À l’expérience supposée sanguinaire et belliqueuse, advient un voyage psychédélique, ravivant les fantômes d’une Amérique déboussolée et les cauchemars originaires de l’individu. Un chef‑d’œuvre réalisé par Francis Ford Coppola, qui a obtenu la Palme d’or à Cannes en 1979.