le 15 décembre 2014 - 18h29

Ultra HD sur TNT et TNT condamnées ?

C'est donc fait ! Le gouvernement, par l'intermédiaire de son Premier ministre Manuel Valls, a publié la semaine dernière, le 10 décembre, le calendrier du « deuxième dividende numérique », soit l'attribution aux opérateurs de télécommunications de la bande des 700 MHz, actuellement utilisée pour la diffusion de la TNT. Une décision lourde de conséquences pour l'avenir de la TNT…

A

La mise aux enchères de cette bande de fréquences, dites « en or » car capables de traverser les bâtiments pour une réception/émission dans les zones fortement urbanisées, est fixée à décembre 2015. Ensuite, le transfert effectif de ces fréquences se déroulera du 1er octobre 2017 au 30 juin 2019, à l’exception de quelques zones où les opérateurs pourraient les utiliser dès avril 2016. Cette dernière date coïncide avec l'extinction de la diffusion Mpeg2 sur la TNT et le passage de l'intégralité des chaînes au codec Mpeg4. Celui-ci permettra « à la TNT d’enrichir son offre et à l’ensemble de ses téléspectateurs d’avoir accès à la totalité de ses chaînes gratuites comme à la diffusion en haute définition ». Dans les faits, c'est exact, même s'il est tout fait possible pour les chaînes d'adopter la compression Mpeg4 tout en continuant à émettre en SD.

Mais cette remarque est loin d'être la plus gênante à la lecture de la décision du gouvernement. Si d'un côté on peut s'en réjouir pour le développement de l'internet haut débit mobile, d'un autre côté, on peut légitimement se demander si elle a été prise en toute connaissance de cause. Elle est en effet basée sur un rapport de Pascal Lamy datant de septembre 2013, ancien commissaire européen au commerce, une période où la technologie Ultra HD n'était pas forcément au cœur des préoccupations des décideurs, ces derniers n'ayant donc pas mesuré toute la portée de leur arbitrage.

Car il est un fait établi, en l'état actuel des technologies de compression, et pour de longues années encore, la TNT amputée de la bande de fréquences des 700 MHz sera dans l'incapacité totale d'accueillir l'Ultra HD, très gourmande en bande passante, même en usant de la compression HEVC, largement plus puissante que le Mpeg4. Pour rappel, le HEVC permet pour un signal HD de diviser les besoins en bande passante par deux. Mais, comme dans le même temps, l'Ultra HD multiplie le poids d'une image par quatre comparée à la HD, on est loin du compte. Au final, en HEVC et avec un calcul à la louche mais finalement assez proche de la réalité, un flux Ultra HD serait encore deux fois important en termes de bande passante que le même signal HD. Une équation insoluble…
Il est donc à craindre que l'Ultra HD ne voie jamais le jour sur la TNT, sauf peut‑être pour quelques chaînes, plus tard, si les futures itérations de l'algorithme HEVC gagnent en efficacité. Mais il faudrait pour cela un gain de 100% pour l'envisager. Pas gagné…

Pour terminer sur le sujet, se pose aussi avec cette décision la question de la compatibilité HEVC intégrée aux tuners des TV. En effet, le passage imposé par le législateur aux différents acteurs de la TNT de migrer vers le « tout Mpeg4 » en avril 2016 repousse, pour le moins, l'avènement de l'emploi du HEVC. En effet, si tous les TV siglés HDTV 1 080p, depuis le 1er décembre 2008 intègrent un tuner TNT HD (soit compatible Mpeg4), très rares sont aujourd'hui les modèles à gérer le HEVC via leur tuner TNT. Et il coulera un peu d'eau sous les ponts avant que tous les TV commercialisés en magasins en soient capables, et beaucoup plus avant que ces TV soient installés dans les foyers : environ quatre à cinq ans. Impossible donc pour les diffuseurs de switcher vers le HEVC si c'est pour se couper « techniquement » d'une partie du public. Sans compter que le Mpeg4 et la HD suffisent largement aux broadcasters. Auront‑ils l'envie ‑le souhait‑ de migrer un jour vers la diffusion hertzienne en HEVC, et de consentir aux investissements associés alors que tous n'ont pas encore adopté la HD et les équipements adéquats ? La question se pose. Et avec elle, la nécessité pour les marques d'intégrer la gestion du HEVC au niveau du tuner. Il reste bien sûr acquis que les TV gèreront le HEVC IP pour, par exemple, profiter des services OTT du type Netflix.

Bref, comme vous le constatez, l'affectation de la bande des 700 MHz aux opérateurs de télécommunication plonge l'écosystème de la TNT dans un océan d'incertitudes, et de perplexité même, pour certains observateurs dont nous faisons partie à la rédaction, et questionne tout simplement le devenir de la TNT. Car, en figeant le cadre de la TNT, en l'empêchant d'évoluer au gré de l'émergence de nouvelles technologies, la menace est grande de remettre en cause sa légitimité et au final son existence. Avec le risque concomitant de pressuriser la télévision linéarisée que nous connaissons et d'assister à son effondrement.

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