Cinécult’
Pasolini, la chair et le sang

Pasolini naît à Bologne en 1922 et réalise son premier film, Accatone, à l’âge de 40 ans. Entre‑temps, il publie de nombreux romans, des recueils de poésie et des textes critiques. Homosexuel, jusqu'auboutiste, provocateur, sa vie privée comme son œuvre défrayèrent la chronique…

Intellectuel engagé, ou « poète civil » comme le surnomme Alberto Moravia, Pier Paolo Pasolini se tourne vers le cinéma à la fin des années 50 pour devenir l’une des figures de proue du cinéma italien, présente sur tous les fronts. À la fois poète, essayiste pamphlétaire, cinéaste et écrivain, il décède en 1975, assassiné sur une plage d’Ostie, quelques semaines avant la sortie en salles de Salo.


Sacré lui

Placée sous le signe de la provocation (homosexuel, sa vie privée défraya la chronique) et du jusqu’au-boutisme, la carrière de Pasolini fut l’objet d’innombrables démêlés avec la censure et les institutions, qu’elles soient politiques, médiatiques ou religieuses. Depuis Accatone (1961) jusqu’à Salo (1975), son œuvre témoigne d’une richesse étonnante et d’une volonté de s’attaquer à tout ce qui relève du sacré. Au début des Sixties, il signe des films qui dépeignent sans concession une Italie quelconque et pauvre, avant de réaliser en 1968 son premier gros succès, Théorème. Dans ce film, Terence Stamp incarne un jeune homme qui sème le trouble puis la panique dans une famille d’industriels bourgeois : après avoir séduit la fille, le fils, la mère et le père, il disparaît comme il était apparu. Avec Porcherie qu’il tourne en 1969, il suit les destins croisés de deux jeunes hommes, dont l’un (Jean-Pierre Léaud) est en proie à une passion dévorante pour les porcs. Au début des années 70, Le Décaméron, Les contes de Canterbury et Les mille et une nuits composent ce que l’on appellera la Trilogie de la Vie, un triptyque solaire qu’il réalise entre 1970 et 1974.


Corps à corps

Dans la carrière de Pasolini, cinéaste jugé alors élitiste, la Trilogie témoigne d’un désir de filmer des histoires à la fois populaires et fastueuses. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard s’il décide de jouer lui-même le rôle de l’écrivain Geoffrey Chaucer, l’auteur des Contes de Canterbury, après avoir incarné Giotto dans Le Décaméron. Pour aboutir à cette Trilogie, Pasolini s’est en fait inspiré de trois grands récits de la littérature romanesque teintés d’érotisme joyeux. Les corps s’y dénudent et s’exposent en toute innocence… La représentation du corps nu, thème central du cinéma de Pasolini, franchit à l’écran une étape décisive qui fait scandale à l’époque. La nudité, innocente et source de vitalité, devient avec le cinéaste le signe possible d’une affirmation de soi. Le corps se transforme en langage, en objet de désir. Dans Le Décaméron et Les contes de Canterbury, sur fond de jardins édéniques et de banquets rabelaisiens, vierges déflorées et jeunes éphèbes s’enlacent et célèbrent sans tabou l’avènement d’une utopie fondée sur le sexe et le plaisir. Dans une scène des Contes de Canterbury, le roi Janvier retrouve miraculeusement la vue et découvre sa jeune femme en plein adultère. Mais le désir de la posséder à nouveau l’emporte rapidement sur l’envie de se venger. Comme si la chair et le sexe avaient encore ce pouvoir de réconcilier les êtres. Valeurs suprêmes, en somme.


Salo

En 1975, Pasolini transpose les 120 jours de Sodome et Gomorre de Sade sous la République fasciste de Salo et filme ce qui pourrait être l’envers sombre de la séquence du roi Janvier des Contes de Canterbury. Un homme et une jeune servante sont surpris en train de faire l’amour. Même situation transgressive, mais ici pas de salut possible. Pour les bourreaux, l’alliance de la chair et du plaisir est intolérable. Car dans Salo, négatif parfait de la Trilogie, le corps nu n’est plus un objet de désir ou de fantasme, mais une marchandise que l’on exploite. Un sexe froid au service d’un enfer pornographique. Comme si Pasolini s’était rendu compte que le monde imaginaire qu’il venait de filmer avait changé. Par sa radicalité et sa noirceur, Salo s’annonce comme l’œuvre majeure de la dernière partie de carrière de Pasolini, si extrême qu’elle semble presque éclipser ses films précédents.




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