Bugonia

La CEO d’une compagnie pharmaceutique est enlevée par deux cousins apiculteurs convaincus qu’elle est une extraterrestre, avec pour objectif de la forcer à avouer sa véritable nature pour sauver l’humanité.

La vérité est ailleurs ?

Cette quatrième collaboration consécutive entre Emma Stone et Yórgos Lánthimos est sans doute la moins aboutie cinématographiquement. Peut‑être parce qu’il ne s’agit pas d’un scénario original du réalisateur multi‑récompensé : Bugonia est son premier remake. À l’origine, c’est d’ailleurs le réalisateur sud‑coréen Jang Joon‑hwan qui devait adapter son propre film, Save the Green Planet! (2003).

Mais le film n’est pas mauvais pour autant, loin de là. Il manque juste clairement sa cible. Exit la folie géniale de l’original : place à une leçon d’acting et de mise en scène pour un film au final souvent drôle mais bavard. On comprend vite ce qui a séduit Lánthimos dans ce huis clos où plane l’ombre de La jeune fille et la mort (Roman Polanski, 1994), voire d’Un simple accident (Jafar Panahi, 2025). Tout au long du film, le spectateur oscille et c'est ce que le réalisateur cherche à provoquer.

Si la question de savoir si le personnage joué par Emma Stone est extraterrestre ou pas semble au début absurde, cette dernière nous apparaît peu à peu terriblement inhumaine et le questionnement à son sujet finalement plutôt fondé… Qui d’Emma Stone ou de Jesse Plemons est dans le vrai ? D’autant plus que tout ras du front qu’il soit, le personnage interprété par Jesse Plemons ne manque pas forcément d’arguments.

© Atsushi Nishijima / Focus Features

Un film gigogne 

Au gré des scènes, nos certitudes chancellent, à l’image de celles du cousin Don, complice malgré lui de cette folie. Jusqu’au paroxysme final, baigné d’hémoglobine, Lánthimos entretient magistralement le doute. Et malgré une révélation finale décevante, son film reste imprégné d’un humour noir cathartique, face à l’hybris tragique de la situation. Jouissif !

Ce qui intéresse surtout Lánthimos, c’est assurément de dresser le portrait à peine voilé d’une Amérique saturée de théories conspirationnistes et de scandales financiers pour la plupart. Bugonia se révèle être un pamphlet politique déguisé en satire absurde et stylisée, une spécialité du réalisateur. Le malaise s’installe rapidement, renforcé par la claustrophobie induite de la mise en scène. Bien malin, Lánthimos s’abstient de prendre parti et de susciter de l’empathie pour l’un ou l’autre de ses trois personnages. Au spectateur de faire ses choix et d'interroger ses certitudes.

Le film pousse alors à réfléchir sur l’état du monde, son absurdité et son autodestruction programmée. Il tient surtout grâce aux performances magistrales de son duo d’acteurs. On savait déjà que Jesse Plemons excellait dans les personnages limite décérébrés et Emma Stone dans les compositions physiques intenses, mais Bugonia révèle à quel point leur association provoque des étincelles. Un terrain de jeu qui fait assurément le charme de ce film aussi étrange qu’attachant.