16 juin 2025 - 16h27

À cause d'un assassinat

VO
The Parallax View
année
1974
Réalisateur
InterprètesWarren Beatty, Paula Prentiss, Hume Cronyn, William Daniels
éditeur
genre
sortie
17/06/2025
notes
critique
10
10
label
A
soutenir

Deuxième opus d'une trilogie du complot signé par Pakula entre 1971 (Klute) et 1976 (Les hommes du président), À cause d'un assassinat retrace l'enquête d'un journaliste, Joe Frady (Warren Beatty) qui, trois ans après le meurtre d'un sénateur et la disparition suspecte de plusieurs témoins, reprend le cours de l'enquête et découvre l'existence d'une puissante organisation, la Parallax, spécialisée dans le recrutement d'individus violents qu'elle transforme en assassins.

 

Chef‑d'œuvre du cinéma américain des années 70, À cause d'un assassinat s'inscrit dans une période au cours de laquelle, après les assassinats des frères Kennedy, de Martin Luther King et de Malcom X, l'affaire du Watergate et la démission de Nixon, les Américains doutent de leurs institutions.

 

À cause d'un assassinat, grand film sur la paranoïa

Le film cite la plupart de ces affaires (la séquence d'ouverture est une reprise du meurtre de Bob Kennedy à l'Ambassador Hotel de L.A. en 1968, au détail près de la femme à la robe à pois qui aurait crié « on l'a eu » et qui n'aurait jamais été retrouvée) et offre une réflexion puissante sur la conspiration et la paranoïa.

 

Notons enfin que la séquence du test (12 minutes de diapositives censées laver le cerveau des prétendants à la Parallax) constitue l'un des moments d'anthologie du film. Un must qui revient au sein du sublime coffret Ultra Collector de Carlotta (le 29e) avec un livre de J‑B Thoret, historien du cinéma exégète du cinéma des années 70 et réalisateur (We Blew It, Michael Cimino, un mirage américain).

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The Parallax View
Prix : 50 €
disponibilité
17/06/2025
image
1 BD-50 + 1 DVD-9, 102', couleurs
2.39
HD 1 080p (AVC)
16/9
bande-son
Français DTS-HD Master Audio 2.0 (mono doublé)
Anglais DTS-HD Master Audio 2.0 (mono doublé)
sous-titres
Français imposé
8.5
10
image

La nouvelle restauration 2K effectuée à partir d’un scan 4K tient ses promesses avec une copie dénuée de défauts d'usure et plutôt équilibrée, même si l'on note certains plans plus flous que les autres, sans doute dus à quelques difficultés de tournage. Le grain charmeur typique Seventies se mue parfois en fourmillements plus visibles, on fera avec tant ce qu'il faut surtout retenir, c'est la sensation de redécouvrir un film à l'esthétique magistrale faite de scènes largement sous‑exposées (le doute, les non‑dits, la suspicion) et de grandes phases plus éclairées qui donnent encore plus d'intensité aux premières.

 

Excepté la scène d'ouverture et ses rouges flashy annonciateurs d'un drame à venir, de la politique spectacle pensée pour séduire, le film opte pour une palette très restreinte, presque « fermée ». Au fil du film, le journaliste Joe Frady (Warren Beatty) semble errer seul dans des espaces qui l'écrasent, telle une ombre de plus en plus insignifiante. La coexistence de ces bâtiments modernistes et des chalets vintage perdus hors des grandes villes, montrent toute la vision de Gordon et Pakula entamée avec Klute. On doit aussi au premier la photo Des hommes du président, Le parrain, Annie Hall. Des films majeurs qui lancèrent la carrière de leur auteur respectif. On pense aussi à l'image de Michelangelo Antonioni, au giallo même parfois. Un film noir mais en couleurs.  

7.5
10
son

Le film renferme un des passages musicaux les plus célèbres du cinéma américain : le test du tueur de la Parallax. La musique country se mue bientôt en marche militaire patriotique, au son de son décorum guerrier et sans doute de la voix du compositeur Michael Small lui‑même. Un condensé de paranoïa. Mais il faut aussi retenir l'assassinat en ouverture du film sur la Space Needle, sans aucun son. Puis la ritournelle de Small, minimaliste, qui cultive tout au long du film une sensation de danger et d'un monde occulte qui tire les ficelles. Une VO DTS‑HD Master Audio 2.0 très satisfaisante, pas trop aiguë pour son âge. Juste de quoi pleinement profiter du travail du grand Small. 

10
10
bonus
- L'envers des totems, livre de 160 pages de Jean-Baptiste Thoret
- Alex Cox à propos de À cause d’un assassinat (15')
- Mise au point : la genèse de À cause d’un assassinat (15')
- Révisions par Nicolas Pariser (27')

Le livre L'envers des totems de J‑B Thoret, en référence au premier plan du film montrant un totem du peuple indigène Tlingit dérobé par des hommes d'affaires de Seattle et planté en plein Pioneer Park, avec la tour vitrée Space Needle dans le fond (deux mondes qui s'opposent, l'un ancestral, l'autre moderne), développe la synthèse des talents nécessaires à la réalisation d'un tel film : de Warren Beatty, politiquement très engagé (il a soutenu plusieurs campagnes démocrates), au compositeur de talent Michael Small en passant par le grand Gordon Willis, créateur de l'esthétique du film noir et paranoïaque de l'époque. Comme une analyse d'image sur papier, J‑B Thoret aborde les grandes thématiques du film à travers ses rouages créatifs essentiels. Une mini Bible agrémentée d'images d'archives et d'une interview de Pakula par Steven Soderbergh en 1998.

 

Les propos du réalisateur Alex Cox dans un premier bonus sont glaçants : « Ce monde chimérique que Pakula et Beatty nous faisaient découvrir en 1974, c’est celui dans lequel on vit aujourd’hui. […] Toutes nos données appartiennent à des sociétés privées et à des agences gouvernementales et sont à vendre ». La fin du politique, les consortiums aux contours flous…, difficile de ne pas penser aujourd'hui aux Gafam. Il nous rappelle aussi que le film Complot à Dallas de David Miller, réalisé un an avant The Parallax View, listait en générique final 18 témoins de l'assassinat de JFK, tous étrangement disparus.


Plus loin, l'assistant d’Alan J. Pakula sur le film, Jon Boorstin, livre des souvenirs de tournage chaotique au plus près du DOP Gordon Willis. La grève des scénaristes, des scripts écrits par Pakula en urgence, mais une énergie folle. C'est à ce jeune stagiaire d'alors que l'on doit la réaction du « test du tueur du film ». Définitivement, de son point de vue, un film sur la peur et la paranoïa. 


Enfin, dans Révisions, le cinéaste Nicolas Pariser (Alice et le Maire) pointe les différences entre ce film et d'autres références du genre de la même époque. Pour lui, la démocratie n'est ici plus en recours possible, la vision est plus noire, plus complotiste en quelque sorte.

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