La niña de fuego
Séduisante mais manipulatrice en diable, Barbara (Barbara Lennie) a tout de la femme fatale. Trois hommes, dont Luis (Luis Bermejo), le père d’une fillette leucémique, ne tardent pas à se frotter à cette nature vénéneuse, et à s’y piquer, inéluctablement.
Considéré par Pedro Almodovar comme « la grande révélation du cinéma espagnol de ce siècle », La niña de fuego ne tient pourtant pas ses promesses d’embrasement. On pourrait associer la jeune femme aisée mais visiblement dérangée, qui s’ennuie ferme auprès de son mari psychiatre dans un décorum bourgeois aseptisé, à la Belle de jour incarnée par Catherine Deneuve en 1967. Néanmoins, à l’instar de Buñuel, si Carlos Vermut entretient le fantasme dans le jardin secret de Barbara, il place ici la sexualité sous le signe du mercantilisme pur. Parce qu’il n’a pas les moyens d’offrir une robe cosplay onéreuse à sa fille, Luis, ancien professeur victime de la crise économique, décide de faire chanter la Desperate Housewife sous peine de révéler sa coucherie adultérine à son mari. Un marché en appelle un autre car Barbara fait usage de son corps pour de l’argent : la voie secrète qu’elle emprunte lui permet aussi bien de s’affranchir du joug conjugal que de rassasier sa nature autodestructrice. Elle seule peut pousser les portes d’un monde inconnu et mystérieux, invisible à l’œil nu.
Une fois le seuil de la chambre noire franchi, c’est notre imagination (et son puits de ténèbres) que Vermut sollicite. Vous penserez, probablement comme nous, que ce hors‑champ détient quelque pouvoir occulte et qu’il est profondément toxique.