par Jean-Baptiste Thoret
15 janvier 2009 - 11h39

Le libre penseur

année
1994
Réalisateur
InterprètesAnders Mattsson, Lena Settervall
éditeur
genre
notes
critique
5
10
A

Dans Media Crisis, manifeste enragé paru chez Homnisphères, Peter Watkins s’explique : « Dans Culloden (1964), j’ai adopté le style des actualités télévisées diffusées pendant la guerre du Vietnam pour donner un caractère familier à des scènes évoquant une bataille du XVIIIe siècle, dans l’espoir que cet anachronisme contribuerait (…) à saper les fondements mêmes du genre utilisé. Mon deuxième film (La bombe, 1965) a été la première de mes œuvres à mélanger volontairement des formes filmiques antagoniques. Une série d’interviews statiques avec des personnalités de l’Establishment, éclairées en lumière artificielle, contrastant violemment avec des séquences saccadées simulant une attaque nucléaire ».

D’où la question qui irrigue depuis ses débuts le cinéma de Watkins : pour autant que cela puisse s’appliquer à l’une ou l’autre des possibilités, laquelle représente la réalité ? Les fausses interviews dans lesquelles des personnes citent de véritables déclarations de personnalités publiques ? Ou les scènes tournées comme des séquences d’actualités d’une guerre qui n’a jamais eu lieu ?

Opposant farouche de ce qu’il a lui-même baptisé la « Monoforme », autrement dit le dispositif formel et narratif employé par les médias (télévision et films hollywoodiens) à des fins de propagande commerciale, politique et/ou idéologique, Peter Watkins signe en 1973 Edvard Munch, un docu-fiction de plus de trois heures consacré au peintre norvégien Edvard Munch. Celui qui, selon l’Autrichien Oscar Kokoshka, voyait dans ce que d’autres appelaient le « progrès social », une « terreur panique », apparaît comme le double fantasmé de Watkins (mêmes déboires avec la critique et les institutions, même volonté d’expérimenter envers et contre tout des formes d’expression nouvelles, etc.).

Vint ans plus tard, Watkins s’attaque à un autre artiste, August Strindberg, célèbre dramaturge suédois auteur d’une série de pièces pamphlétaires sur la société bourgeoise du XIXe siècle, dont La danse de mort, La chambre rouge et Mademoiselle Julie. Débuté en 1979 mais finalisé en 1994, Le libre penseur fut réalisé dans le cadre d’un projet pédagogique impliquant une vingtaine de lycéens suédois. 4h30 denses et complexes où s’entremêlent quatre moments phare de la vie de Strindberg. Le film mélange des sources diverses : images de fiction (Strindberg est interprété par Andres Mattsson), photos de l’écrivain, extraits dialogués de ses pièces, archives, débats avec des spectateurs assistant au tournage, etc.

Comme dans Punishment Park réalisé en 1971 (vraie répression de l’administration de Nixon mais histoire fictionnelle), Le libre penseur entrelace jusqu’au vertige les niveaux de discours et se moque des raccourcis discursifs. Le tout accompagné d’une voix-off didactique et dépassionnée qui écorne le style pontifiant des documentaires de la BBC. C’est d’ailleurs contre cette vision formatée (Monovision ?) de l’Histoire que le film travaille. Sa puissance formelle et politique, certes aride, tient surtout dans sa façon de postuler et donc d’inventer un spectateur critique, aux aguets, contraint de faire le tri dans les images qu’on lui bombarde, de les évaluer, tout simplement, de penser leur rapport. Entre le faux documentaire et la vraie fiction, Peter Watkins, bien avant Michael Moore, cherchait une voie d’accès à la vérité. Il l’a « visiblement » trouvé.

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Prix : 30 €
disponibilité
12/12/2008
image
1.33
SD 576i (Mpeg2)
4/3
bande-son
Suédois stéréo
sous-titres
Français
3
10
image
Comme on s'y attendait, cette image 4/3, mêlant photos N&B et captations vidéo numériques, se montre granuleuse et mollement contrastée.
7
10
son
La VO suédoise stéréo (448 kbps) est plutôt bonne en revanche. Elle passe en tout cas beaucoup mieux que l'image. Mais il y a peu de matière à exploiter. Deux ou trois morceaux de piano, quelques ambiances, des dialogues et de longs silences.
0
10
bonus
- Aucun
Pas même une petite note sur le réalisateur et son œuvre. Dommage.
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