Lettre à Momo
Momo, une pré‑ado, et sa mère Ikuko emménagent dans une île près de Hiroshima durant l’été. Momo, boudeuse et butée, serre comme un trésor une lettre commencée par son père juste avant de disparaître en mer. Elle s’ennuie et peine à se faire des amis, tandis que sa mère paraît renaître au contact de l’univers de son enfance. Mais Momo s’aperçoit bientôt que trois yôkaï, des esprits aux formes fantastiques, sont attachés à ses pas. Voleurs, menteurs et maladroits, les yôkaï commencent à malmener son morne quotidien.
Dès les premières minutes, cet anime réalisé par Hiroyuki Okiura, (Jin‑Roh, la brigade des loups) s’empare du spectateur et ne le lâche plus. Une grâce, une beauté et une délicatesse intenses se dégagent de chaque scène, de la moindre image. Ça n’est pas tout à fait un hasard : Okiura, collaborateur fidèle de Mamoru « Ghost in the Shell » Oshii, a rêvé et cajolé ce film durant sept longues années. Son idée de départ paraissait pourtant folle : faire un film « drôle et léger » pour les enfants évoquant le deuil d’un proche.
Pour réussir haut la main son pari impossible, Okiura a beaucoup d’atouts. D’abord une mise en scène discrète, sensible et efficace qui réussit, en quelques plans, à donner une vie sidérante à l’univers insulaire où se déroule l’histoire. Les personnages, magnifiquement écrits et animés à la main, sont, eux, criants de vérité et servent la gravité réaliste initiale du propos. Une gravité très vite perturbée par l’irruption du fantastique (les fameux yôkaï).
Le trait délicat et précis du dessin évoquera immanquablement l’esthétique développée par Hayao Miyazaki. La première rencontre entre Momo et les yôkaï est d’ailleurs un clin d’œil évident à l’apparition du Totoro de Miyazaki. Mais contrairement à la création de Miyazaki, les yôkaï n’ont pas un capital sympathie immédiat. Étranges et un peu effrayants, ça n’est que peu à peu, aux côtés de Momo, que le spectateur petit ou grand apprend à les connaître, à s’en amuser puis à les aimer.
Okiura tient ferme la barre de son récit : Momo, hantée par une dispute survenue juste avant la mort de son père, bouleversée par le regain de moral de sa mère, est, grâce aux yôkaï, contrainte d’ouvrir les yeux sur la beauté de l’environnement et des gens qui l’entourent.
L’enthousiasme pour le film pourra être légèrement minoré par un final un poil trop optimiste par rapport à son sujet, mais le réalisateur n’hésite pas et il a raison. Ce final tout en douceur permet aux enfants, comme Okiura se l’était promis, de « sortir du film le cœur léger ». N’hésitez pas : en dépit de son titre pas franchement sexy, Lettre à Momo est déjà un grand classique de l'animation que les générations futures dégusteront avec autant de plaisir que celles d’aujourd’hui.