Marcel et Monsieur Pagnol
À la fin des années 50, Marcel Pagnol, lassé du succès, pense à tirer sa révérence. C’est à ce moment‑là que la directrice du magazine Elle lui propose de raconter son enfance, sa Provence, ses premières amours… sous forme de feuilleton littéraire. En rédigeant les premières lignes, l’enfant qu’il a été autrefois lui apparaît soudain.
Tu me fends le cœur
En adaptant Confidences de Marcel Pagnol, le réalisateur des Triplettes de Belleville, Sylvain Chomet, signe un biopic inattendu de l’auteur de Marius. Un film au style faussement désuet, beaucoup plus réaliste que ses premières œuvres, à travers lequel on devine qu’il se raconte un peu aussi. Comme le plus Provençal de nos auteurs, Chomet n’a pas connu le succès tout de suite et a dû recourir à des travaux alimentaires. Comme lui, il a créé ses propres studios de cinéma loin de Paris (Chomet a créé son propre studio d’animation en Écosse). Et comme lui, sans doute, il ne court pas après la gloire et aspire juste à raconter ses histoires.
On le sait, le réalisateur adore dessiner le Paris des années 50, l’après‑guerre et les années folles. Il se régale ici avec la vie de Pagnol, d’autant plus qu’elle a connu son apogée à cette époque. À mi‑chemin entre la caricature et le réalisme, l’auteur s’amuse comme un fou à croquer Fernandel, Raimu et les autres figures qui ont croisé la vie de Pagnol. Il s’amuse encore plus à rendre visuelle l’ambiance parisienne de la Libération, la gouaille marseillaise chantante et les coulisses du monde du cinéma. Même si son animation est assez statique, les idées fusent, l’univers visuel est foisonnant et le travail sur la couleur sublime. Le film est à lui seul une leçon d’esthétisme, émouvant à plus d’un titre, d’autant qu’il joue sur les figures fantomatiques qui ont émaillé la vie de Pagnol.

Encore un biopic
Si, par bien des aspects, Marcel et Monsieur Pagnol est un film très attachant, il reste cependant un biopic et tombe souvent dans les travers du genre avec un net penchant pour l'hagiographie. À trop chercher l’exhaustivité, le réalisateur passe trop vite sur certains passages qui auraient mérité plus d’attention, tandis qu’il s’égare sur d’autres moments de vie plus anecdotiques. Le film ne sort pas vraiment des sentiers battus et reste à hauteur d'une fiche Wikipédia. Heureusement, la vie de Pagnol est suffisamment riche et passionnante pour nourrir un film.
Il est clair que Marcel et Monsieur Pagnol aurait sans doute bénéficié d’un tri dans ce foisonnement, par exemple pour se pencher beaucoup plus sur ses personnages que sur des anecdotes. Ainsi, le fantôme du petit Marcel enfant, une très belle idée de scénario, n’est pas du tout exploité au‑delà de la seule utilisation gaguesque. Paradoxalement, le film manque cruellement d’une dimension humaine, celle qui faisait justement le charme du cinéma de Pagnol.
Il en résulte une certaine monotonie et surtout un manque de rythme, comme si l’auteur avait été écrasé par son sujet.