The Chronology of Water
Lidia Yuknavitch grandit dans une maison où son père maltraite verbalement, physiquement et sexuellement aussi bien sa sœur aînée qu’elle‑même. Alcoolique, sa mère n’intervient pas. À l’adolescence, elle est remarquée par un entraîneur qui l’aide à réaliser son rêve de devenir une nageuse de compétition. Un rêve brisé par sa relation dangereuse avec l’alcool. Peu à peu, elle trouve un mode d’expression pour son mal‑être à travers l’écriture, pour finalement devenir enseignante.
Coup d’essai, coup de poing
Ce n’est pas vraiment là que l’on attendait la première réalisation de l’ex « petite fiancée de l’Amérique », devenue avec le temps une icône du cinéma arty. Certes, on savait Kristen Stewart actrice en dehors du moule hollywoodien. On la découvre avec son premier film derrière la caméra comme une artiste à part entière. Une artiste qui utilise intelligemment sa notoriété pour proposer une œuvre à la fois brutale et viscérale, au message extrêmement fort. Un geste cinématographique radical, presque anti‑hollywoodien.
Soyons clairs, Chronology of Water n’est pas un film comme les autres et ne cherche pas vraiment à l’être. Cette adaptation du livre autobiographique de Lidia Yuknavitch n’épargne pas le spectateur, fait confiance à sa clairvoyance et ose s’affranchir des codes narratifs pour mieux appuyer la force de son propos. On pourra trouver la mise en scène surchargée et le film trop long, péché originel de beaucoup de premiers films, mais ce serait un peu injuste tant le film est une vraie proposition de cinéma, un geste fort assez rare de nos jours, et même assez osé au regard de la production actuelle.

Kristen Stewart fait ses preuves avec The Chronology of Water
The Chronology of Water est assurément une épreuve qui ne laisse pas indemne. À l’image de son héroïne : sans concessions. Libre à vous de l’aimer ou non. Flashbacks traumatiques, déconstruction narrative, images nébuleuses sont autant de maniérismes qui peuvent dérouter, mais qui ont une certaine logique au regard de la rage (plus ou moins) refoulée, portée tout au long du film par son héroïne, génialement interprétée par Imogen Poots.
Longtemps, le regard médusé qui voile son visage, au moment où Jim Belushi la prend par les épaules, glacera plus d’un spectateur. Et pourtant, ce moment est si fugace… C’est la force de la direction d’acteur de Kristen Stewart et de sa mise en scène à la fois précise (comme avec l’utilisation de la couleur rouge) et en perpétuel équilibre.
Quasi expérimental parfois, le film hypnotise, allant de traumatismes en autodestructions ravageuses, jusqu’à l’apaisement final. Une épreuve pour le spectateur, sans doute, mais un vrai moment de cinéma aux faux airs pasoliniens qui aura autant d’adeptes que de détracteurs. Il n’y a pas d’entre‑deux possible. Et c’est un peu aussi ce que raconte le film…