19 mai 2025 - 14h52

The Phoenician Scheme

année
2025
Réalisateur
InterprètesBenicio Del Toro, Mia Honey Threapleton, Michael Cera, Riz Ahmed, Mathieu Amalric
éditeur
genre
sortie salle
28/05/2025
notes
critique
7
10
A

Zsa‑Zsa Korda, richissime homme d’affaires, compte léguer sa fortune non pas à ses neuf garçons mais à sa fille qui, malheureusement pour lui, a décidé de vouer sa vie au Christ. Pour tenter de la faire renoncer à ses vœux, il l’embarque à bord de son bimoteur dans un périple de négociations internationales.

 

Go Wes !
Ne tergiversons pas : l’histoire de ce The Phoenician Scheme (Le projet phénicien), douzième long métrage de Wes Anderson, n’est qu’un prétexte. Très vite, on est noyé dans un flou de pourcentages et d’écarts entre deux valeurs, mais ce n’est pas grave. C’est même fait exprès. Une manière pour le réalisateur de nous rappeler avec malice la futilité du monde des affaires… et surtout des affairistes.

 

Le film se présente avant tout comme un conte moral à la Voltaire ou plutôt à la Saint‑Exupéry, dans lequel les deux protagonistes, père et fille, vont rencontrer une galerie de personnages hauts en couleur et très contrastés pour, au fil du voyage, mieux se rapprocher. Mafieux marseillais, prince arabe, duo de milliardaires américains… le tout ponctué par les cauchemars récurrents en noir et blanc de Zsa‑Zsa Korda (Benicio del Toro), rongé par les doutes et la culpabilité. Il affrontera même son créateur, incarné par un Bill Murray toujours aussi génial même si trop bref à l’écran. C’est dire l’ampleur de ses tourments…

 

On retrouve dans The Phoenician Scheme tous les thèmes chers à Wes Anderson : la famille, la filiation (La famille Tenenbaum, La vie aquatique), les portraits éclatés (The French Dispatch, Asteroid City) et bien sûr, cette patte visuelle inimitable aux cadrages millimétrés, parfaitement symétriques.


Le film, pour ceux qui ne connaîtraient pas encore le réalisateur, est d’ailleurs une excellente porte d’entrée dans son univers. On pense souvent à Tati, parfois aux Monty Python et visuellement, le film est un pur plaisir des yeux. Le formalisme d’Anderson et son sens de l’absurde atteignant ici une forme d’apogée.

 

 

Un film choral qui sonne juste

Si le film est très drôle et regorge de trouvailles (comme cet usage inattendu de l’arbalète ou les multiples tentatives d’assassinat auxquelles Zsa‑Zsa Korda échappe avec une nonchalance déconcertante), c’est étonnamment les scènes de transition, situées dans l’avion du millionnaire, qui sont les plus réussies. Sans doute parce que, derrière sa façade froide et retenue, le film s’y autorise des respirations plus touchantes.


Comme à son habitude, le cinéaste réunit autour de lui un casting quatre étoiles. Autant de stars pour de si petits rôles, c’est d’ailleurs presque épuisant… Mais on sent que tout le monde s’amuse à jouer « à la Anderson ». Et surprise : le rôle principal féminin est confié à une quasi‑inconnue : Mia Honey Threapleton, fille de Kate Winslet. L’actrice est bluffante en apprentie nonne aussi rigide que bouleversante. Un vrai choix de cinéma et un pari réussi, puisqu’il fallait un contrepoids face à Benicio del Toro, absolument magistral dans sa composition.


Mélange improbable d’Howard Hughes impassible et de mafieux clownesque, il insuffle au film une énergie poétique, capable de transformer les situations les plus absurdes en instants touchants. Le retrouver après The French Dispatch dans un rôle principal est un vrai plaisir. Le lien entre les deux films est d’ailleurs souligné par Anderson lui‑même, notamment à travers ces toiles de maîtres dissimulées ici et là dans le cadre, puis révélées au générique, qui font écho à Moses Rosenthaler, peintre maudit incarné par del Toro dans The French Dispatch.


Conte absurde et poétique, ce The Phoenician Scheme est au final du pur Anderson. Un film qui oscille sans cesse entre rires, névroses et symétrie parfaite. Pas forcément le film qui réconciliera le réalisateur avec ses détracteurs qui ne supportent pas ses tics de cinéma, ni celui de la rupture dans lequel il tenterait enfin de nouvelles choses.

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