le 22 décembre 2023 - 10h00

Judith Godrèche

Pour la série Icon of French Cinema (le 28 décembre sur Arte et le 22 sur Arte.tv), Judith Godrèche est à la fois scénariste, réalisatrice, actrice et même mère ! Elle se dévoile à travers une autofiction drôle et tragique dans laquelle elle revient pudiquement sur son passé d’enfant propulsée dans le monde masculin du cinéma. Elle s’amuse et nous amuse du décalage entre le monde des célébrités et la réalité pour in fine se mettre à nu…  

A

Pourquoi passer par l’autofiction ? Vous auriez pu ne pas assumer que le fait que c'était vous…

 

JG ça ne m'est même pas venu à l'esprit, parce que justement, c'était une histoire ancrée dans une réalité et que j’avais un souci d'honnêteté. Le seul moyen, en tout cas à mon sens, pour qu'elle puisse être universelle et pas nombriliste malgré le fait, évidemment, que je parle de moi, le seul moyen pour que le plus de personnes puissent s'identifier à cette histoire, c’était d’être extrêmement personnel et honnête. Oser aller dans des terrains qui sont les plus difficiles. Toute forme de protection aurait impliqué une mise à distance qui n’allait pas dans le sens de l’universalité que je voulais donner à cette histoire.

 

Mais comme vous dites, il n’y a plus aucune protection...

 

JG D’une certaine façon, il n’y en a plus, mais en même temps, il y en a toujours un peu. En fait, quelle que soit la manière dont on s'abrite derrière des personnages ou des alter ego très éloignés de soi, le public aurait de toute manière compris de qui il s'agissait. Il n'y avait au final pas moyen de raconter cette histoire qui se passe dans le milieu du cinéma, en France, à une époque très précise, en utilisant une espèce de double. Et puis, si je ne parlais pas de moi, ce n’était plus drôle du tout, il n’y avait plus cette autodérision. Qui me fait beaucoup rire. 
Ce qui est drôle dans la série, c'est justement cette mise en abyme qui ne surfe pas sur un personnage d’actrice que je mystifie, mais au contraire que je démystifie. La série met un peu les pieds dans le plat sur des choses qui, moi, me font beaucoup rire, notamment en ce qui concerne le fameux statut des actrices, les passe‑droits, ce qu'on imagine être dans le regard des autres, et ce qu'on essaie de continuer à être même si on n’est plus, ou que l'on ne l’a jamais vraiment été… Toutes ces choses qui, dans le fond, n’ont pas beaucoup d'importance. C'est ça qui me fait rire : jouer avec tous ces stéréotypes. Et je ne pouvais le faire de manière aussi poussée que si je parlais de moi.

 

C’est indéniable, la série est drôle, mais dès lors qu'elle aborde la douleur de l’enfance, ce n’est pas qu’une farce… 

 

JG évidemment, l’idée était d'arriver à dire des choses graves de façon légère et d'utiliser l'humour dans toutes les circonstances, quel que soit le sujet raconté. 

 

Pourquoi avoir poussé les choses jusqu’à faire jouer à votre fille son propre rôle ?

 

JG Quand j’ai écrit le scénario, j’ai évidemment créé le personnage en m’inspirant de Tessa. Après, il n’y a pas eu de passe‑droit, elle a passé des essais. Mais comme elle est actrice, bilingue et que le personnage lui ressemblait… En tout cas, ce qui est sûr, c'est qu'elle est une des raisons pourquoi pour lesquelles j'ai écrit cette histoire. C’est vraiment quand ma fille est devenue adolescente que quelque chose s’est dénoué en moi. Quelque chose m'est apparu à ce moment‑là qu’il m’était nécessaire de raconter : ce moment de vie d'une jeune actrice, dans le cinéma français des années 80.

 

L’actualité nous rappelle tout de même que cela pourrait encore se passer aujourd’hui… 

 

JG En effet ! Mais heureusement, depuis mes premiers films, beaucoup de choses ont évolué dans le bon sens. C'était d’ailleurs assez fascinant de découvrir à quel point. Puisque je me suis quand même retrouvée à mettre en scène des moments que j'avais vécus sur mes premiers tournages. Et à les mettre en scène avec la jeune actrice qui me qui jouait moi, adolescente. Là, il y avait un coach, une tierce personne que je n’avais pas eu la chance d’avoir à mes côtés à son âge. Quelqu’un à qui elle pouvait se confier. Une sorte de garde‑fou, quelqu'un à qui elle pouvait dire : « Non, je n'ai pas envie de faire ça ! ». 

 

On sent dans votre démarche une espèce de mise en garde d'une génération à une autre. C'est joli justement que ce soit votre fille qui joue face à vous…

 

JG Oui « mise en garde », c’est un terme qui correspond bien à ce que j’ai voulu faire avec la série. Ça m’intéressait de parler de cela, mais je n’avais pas envie d’en faire un réquisitoire ou mon règlement de comptes personnel. On arrive trop vite à des histoires d’alcôves. Ce qui m'intéressait, ce n’était pas tant de citer des gens, exposer des personnes nommément, mais de parler d'un univers, d'un système quasi sociétal. Si aujourd’hui, une jeune actrice n’a pas la possibilité de s’exprimer, de dire non sur un tournage et de poser des limites, c’est grave. De la même manière, il y a encore des femmes aujourd'hui qui ne peuvent pas dire non, qui n'ont pas de voix, et c’est de tout cela dont je voulais parler.

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