par Jean-Baptiste Thoret
07 mai 2014 - 11h00

The Island

année
2005
Réalisateur
InterprètesEwan McGregor, Scarlett Johansson, Djimon Hounsou
éditeur
genre
notes
critique
5
10
A

Transfuge de la pub et spécialiste des blockbusters bourrins qui cartonnent (Transformers) que l'on ne présente plus, Michael Bay a tout du cinéaste infréquentable : personnages taillés dans le granite, vision binaire des enjeux, ralentis sur les chevelures féminines et séquences d’actions illisibles entrecoupées d’explosions en chaîne propres à pulvériser les neurones.

Pourtant, dans The Island, le trait s’affine un peu et le monde se complexifie sous l’influence d’un casting plutôt chic (Ewan McGregor et Scarlett Johansson). Au vu de la première demi‑heure, on sent que l’homme s’est fait violence : des plans qui ressemblent à des plans, un sens de la durée et du cadrage différent des jeux vidéo, une atmosphère étouffante palpable. Comme si le genre de référence, le film d’anticipation des Seventies (L’âge de cristal, Soleil vert, Coma, Zardoz, Mondwest, etc.), avait placé la barre plus haut que d’habitude et contraint l’homme à réfléchir un peu. Chose qui s'est d'ailleurs reproduite récemment avec son « petit » film plutôt réussi No Pain No Gain. Mais dès que l’action surgit (trois séquences infernales), les vieux démons reviennent et on assiste, tétanisés et immunisés, à une sorte de Taxi sous amphétamines.

L’histoire : nous sommes en 2019 et une poignée de nantis, obsédés par l’idée de vieillir, se payent des clones sur lesquels ils pourront prélever les organes nécessaires à leur survie. Élevés comme des poulets dans un bunker artificiel tout droit sorti du THX 1138 de George Lucas, ces clones constituent un échantillon humain idéal ‑aseptisé et hypercontrôlé : pas de sexe, pas de gros mots, que des pubs à dormir debout et un président « demeuré »‑ tel que l’Amérique ultra‑puritaine le fantasme sans doute.

Leur histoire commune ? Une contamination planétaire imaginée par un entrepreneur nazillon (le Mal, c’est l’extérieur) qui les empêche de sortir. Ambiance post 9/11. Leur drogue ? « The Island », version édénique du rêve américain qu’on leur vend à longueur de spots publicitaires et qu’une poignée d’élus aura la chance, un jour, de rejoindre. Mais lorsque deux mavericks décident d’enquêter sur le système et de mettre le nez dehors, la révélation est brutale : le rêve est une arnaque et le paradis, un abattoir. Plus précisément encore, une chambre à gaz. Car au‑delà des murs, rien d’autre que l’Amérique ordinaire, celle des déserts et des bars miteux. Le paradis existe, avoue pourtant l’un des clones devant le spectacle de la nature US. Décidément, l’Américain ne se refait pas et distinguera toujours son pays de ceux qui le gouvernent.

Sous ses dehors de blockbuster décérébré, The Island produit une critique acerbe et frontale de l’Amérique contemporaine, et constitue à ce titre un bon thermomètre de ses mythologies à l’heure du terrorisme, de la montée des extrémismes et du repli idéologique.

The Island est certes un film raté mais ambitieux, naïf mais jamais cynique. Et puis, on y retrouve cette historicité caractéristique du cinéma américain, qualité des films mise à part, et qui manque tant au cinéma français. On explique : l’historicité est la capacité à faire remonter à la surface des images quelque chose du passé, d’une histoire, et peu importance qu’elle soit cinématographique ou politique. La guerre en Irak, Gattaca, les camps de concentration, Matrix, l’eugénisme, les massacres en Afrique, Total Recall, le terrorisme, les totalitarismes divers : tout cela imprègne The Island comme l’œil de son spectateur. Ça défile, ça revient, de façon désordonnée, parfois contradictoire ou simpliste, mais pendant ce temps ‑et ce n’est pas rien‑ notre mémoire travaille et nous pousse à répondre à une (bonne) question : d’où ça vient ?

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Tous publics
Prix : 14,99 €
disponibilité
17/10/2007
image
2.35
HD 1 080p (VC-1)
16/9
bande-son
Français Dolby Digital 5.1
Anglais Dolby Digital 5.1
sous-titres
Français, anglais pour malentendants
8
10
image
Comme d'habitude avec Michael Bay, c'est pointu et surtout coloré et contrasté façon grosse cylindrée. Les couleurs sont donc sur-saturées, l'ambiance solaire, le grain visible sur toute la première moitié du film, mais l'ensemble reste d'un bon niveau technique. Surtout sur la seconde moitié du film, impeccable à tout point de vue.
7
10
son
C'est un peu plus décevant côté son, puisque les pistes Dolby Digital 5.1 du DVD ont simplement été reprises sur cette édition Blu-Ray datant de 2007 (tout s'explique). Et bien que l'auditeur en prenne plein son matricule à chaque scène d'action (notamment sur la fameuse scène de poursuite sur l'autoroute), le rendu n'est pas aussi costaud et ébouriffant que prévu. Surtout sur la VF, nettement en-dessous de la VO en termes de stature et de distribution d'effets. Sachez d'ailleurs qu'aux États-Unis, le film a été réédité par Paramount avec une VO en DTS-HD Master Audio qui doit davantage cartonner que nos petites pistes Dolby Digital.
2
10
bonus
- Coulisses du tournage (13')
Notre Blu-Ray hexagonal datant de 2007, en plus d'être avare en pistes audio HD, est aussi avare en suppléments. Et ce n'est pas ce petit module qui nous fera changer d'avis.
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