par Jean-Baptiste Thoret
24 juillet 2013 - 16h22

Lincoln

année
2011
Réalisateur
InterprètesDaniel Day-Lewis, Joseph Gordon-Levitt, James Spader
éditeur
genre
notes
critique
5
10
A

Le rayon DVD d’un musée américain consacré à la gloire des présidents ou à l’histoire de l’esclavage : voici sans doute ce qui attend le dernier film de Steven Spielberg, sobrement intitulé Lincoln, un film « polemic proof », sans épines, impeccable, léché, historiquement rigoureux, joliment hagiographique, et flanqué d’un acteur‑sosie irréprochable qui n’a nécessité aucun effet spécial (Daniel Day‑Lewis).

Cela dit, Spielberg n’est ni le premier, ni le dernier à s’intéresser au seizième président des États‑Unis, celui à l’aune duquel tous les autres sont depuis jugés ‑John Ford, auquel Steven ne cesse de faire référence, lui a consacré deux films obliques (Je n’ai pas tué Lincoln en 1936 et trois ans plus tard, le génial Vers sa destinée, sur les premiers pas de l’avocat de Springfield), et Griffith en a tiré un biopic référence (Abraham Lincoln, 1930)‑.

Le récit se concentre cette fois sur les derniers mois de la seconde mandature de Lincoln (1863), lorsque le pays, en pleine guerre de Sécession, se déchire, notamment autour de la question sensible de l’esclavage : au Nord, l’Union et les sympathisants de son abolition, au Sud, les Confédérés et les défenseurs de son maintien. Père républicain de la Nation, adoré par une immense majorité d’Américains, Lincoln n’est pourtant politiquement qu’un colosse aux pieds d’argile. À la manière de Spencer Tracy dans Le soleil brille pour tout le monde, l’homme au chapeau haut de forme se lance dans ce qui sera le dernier et le plus symbolique de ses combats : faire voter au parlement le XIIIe amendement assurant l’abolition de l’esclavage.

La forme très mezzovoce de Lincoln pourra surprendre : hormis la séquence de bataille inaugurale, sorte de variation autour de celle du Soldat Ryan, le film se résume à une succession de débats en huis‑clos, à des ratiocinations hyper‑techniques entre députés des deux camps (les Démocrates sont, à cette époque, favorables à l’esclavage), sbires, conseillers et autres hommes influents, autant de discussions qui, pendant les trois premiers quarts d’heure, risquent de laisser bon nombre de spectateurs sur le carreau.

Car Spielberg prend son temps pour éclairer la double raison politique de Lincoln (sans esclavage, plus de raison pour les Sudistes de poursuivre la guerre) et éthique (sa conviction de l’égalité entre les Blancs et les Noirs) et fait œuvre de formidable pédagogue. Pour qui s’intéresse à cette période‑clé de l’histoire des États‑Unis, voici un film digne de figurer dans les manuels d’Histoire, aux côtés d’Amistad, qui fonctionne avec Lincoln comme un diptyque.

Mais, parce qu’avec Spielberg il y a toujours un « mais », le réalisateur filme, encore une fois, du point de vue rétrospectif d’une histoire mythique qui ne tolère aucune nuance (voir le traitement caricatural des pro‑esclavage) et de la légende de Lincoln. Souvent filmé en contre‑jour, collé à une source de lumière quasi divine, Lincoln ressemble à un Christ sculpté par Giacometti : l’homme ne parle pas, il voit et prêche, sorte de prophète qui ne manque jamais une occasion de délivrer sa parabole à une assistance médusée (et Dieu sait qu’il raconte des histoires, à la manière cryptée des évangiles), ce qui explique sans doute la mollesse du film, montrant combien, à chaque plan, l’Histoire lui donnera raison.

Plutôt que de clore son film sur le vote du fameux amendement, Spielberg choisit de le poursuivre jusqu’à l’assassinat d’Abraham le 15 avril 1865. Récemment, l’acteur Samuel Jackson reprochait à Spielberg de ne pas avoir terminé sur le plan de ce valet noir, tendant avec estime son chapeau au grand homme. Même si elle n’est pas dénuée d’arrière‑pensée (après tout Django, qui traitait lui aussi de l’esclavage, courrait aussi après les Oscars), la remarque est juste en ce qu’elle pointe, à savoir combien Lincoln, au fond, vise moins à éclairer un débat crucial (que des Noirs pré‑Obama et d’opérette dans le film) qu’à polir un peu plus l’immense statue de marbre blanc du Lincoln Memorial de Washington.

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Tous publics
Prix : 24,99 €
disponibilité
05/06/2013
image
2.40
HD 1 080p (AVC)
16/9 natif
bande-son
Français DTS-HD Master Audio 5.1
Anglais DTS-HD Master Audio 7.1
sous-titres
Français, anglais pour malentendants
10
10
image
C'est parfait. Absolument parfait. Inutile de chercher midi à quatorze heures et de fouiner pour dénicher la petite bête qui ferait que ce Blu-Ray n'obtiendrait pas la note maximale : l'image est splendide. Il n'y a pas de label THX, mais ce Blu-Ray l'aurait mérité sans problème. La photo de Janusz Kaminski, les jeux d'ombres et de lumières, les intérieurs poussiéreux, les plans larges en extérieur, les vues sur les champs de bataille jonchés de cadavres, les couleurs, le niveau de détail, les costumes, le relief, tout est impeccable. C'est 100% pure HD.
10
10
son
La présence d'une piste DTS-HD MA 7.1 peut sembler étonnante pour un film où les conversations sont omniprésentes et qui laisse finalement très peu de place au spectaculaire. Pourtant, les deux canaux supplémentaires de la VO offrent un remarquable environnement acoustique et génèrent de nombreux effets ciblés. À l'avant, c'est également limpide. Les voix, la musique de John Williams et les ambiances, tous les ingrédients de la bande-son sont restitués avec une précision et une dynamique hors pair. La VF DTS-HD MA 5.1 fait un peu moins bien en terme d'intégration des voix et de spatialisation, mais ne démérite pas.
7
10
bonus
- Présentation du film par le réalisateur et les comédiens (9')
- Zoom sur les lieux du tournage (4')
- Module sur les comédiens et plus particulièrement sur l'interprétation de Daniel Day-Lewis (10')
- Sujet sur la création des décors et des costumes (11')
- Making of (27')
- Zoom sur le montage, la musique et les autres aspects techniques du film (17')
- DVD du film
Pas de grande surprise côté suppléments, pas d'extravagance ni d'originalité particulière, mais une brochette de reportages permettant de mesurer le souci d'authenticité de Steven Spielberg et l'implication de Daniel Day-Lewis pour ce rôle.
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