par Laurence Mijoin
21 février 2014 - 19h09

Les garçons et Guillaume, à table !

année
2013
Réalisateur
InterprètesGuillaume Gallienne, Françoise Fabian, André Marcon, Reda Kateb, Diane Kruger, Nanou Garcia
éditeur
genre
notes
critique
7
10
label
A

Guillaume est un garçon. En apparence. Car, à l'inverse de ses frères, beaux mecs virils aimant s'adonner au foot ou à la chasse avec Père, Guillaume préfère se rêver princesse, imiter sa mère, grande bourgeoise au caractère bien trempé, ou les femmes de la famille qu'il admire tant. Guillaume n'a rien du mâle dominant. Guillaume est donc homo. Aux yeux des autres…

Tandis que certains opposants au mariage homosexuel et à la théorie du genre continuent de jeter de l'huile sur le feu, allant jusqu'à s'attaquer à des œuvres de cinéma ‑appel ridicule au boycott de Tomboy lors de sa diffusion sur Arte, le 19 février, censure tout aussi ridicule de l'affiche de L'inconnu du lac-, voir le cinéma s'emparer frontalement et avec humour de ces questions procure un plaisir jubilatoire.

Alors qu'Almodóvar s'amusait avec ses Amants passagers (sorti en mars 2013), où la loufoquerie grivoise dissimulait quelque chose de plus amer et sombre ‑éternelle dispute d'Eros et de Thanatos‑, Guillaume Gallienne abordait cette année, avec Les garçons et Guillaume, à table !, la problématique du genre d'un point de vue plus universel.

Car cette comédie, premier long métrage de Gallienne en tant que réalisateur, adapté de son propre spectacle en solo, est avant tout un beau film sur la différence. Celle qui fait notre singularité mais qui ne peut s'épanouir dans une société conformiste où toutes les petites filles sont des fées et les garçons des chevaliers (voir l'affiche de la Manif pour tous).

Mais revenons au cinéma : car Guillaume Gallienne, loin de tomber dans l'écueil du théâtre filmé, s'amuse de ce nouveau matériau qui s'offre à lui, empile les niveaux de réalité et de narration pour faire pénétrer le spectateur dans les arcanes mentaux de son héros, alias lui‑même. Ainsi, son imaginaire déploie de nombreux univers où il s'épanche (la scène, où il est seul, s'adressant à un public plongé dans le noir ; sa chambre, se métamorphosant en fastueux château où il devient Sissi impératrice…), souvent coupé par l'irruption de son omnisciente de mère, envahissante jusque dans les recoins les plus secrets de ses pensées.

Brillante idée d'avoir choisi de jouer à la fois sa mère et lui‑même, tant le procédé renforce à la fois le sentiment de schizophrénie de l'adolescent, mais aussi la fusion entre Maman et son garçon. Surtout, Guillaume Gallienne, sociétaire de la Comédie‑Française, parvient grâce à sa finesse de jeu à nous faire oublier sa double présence à l'écran : finalement, on n'y voit qu'une mère, à la fois dure, élégante, aimante, cassante, et son fils, petite chose fragile et paumée, béat d'admiration pour les femmes et cherchant son identité au‑delà des étiquettes.

Rythmée par ses truculentes saynètes (de l'apprentissage du flamenco en Espagne à la pension anglaise, en passant par la cure en Bavière…), truffée de belles idées de montage, emmenée par une bande originale (Supertramp ‑sans doute la plus belle scène du film‑, Queen…) qui lui confère une classe très anglo‑saxonne, cette franche comédie réserve des moments particulièrement poignants, où tout un chacun pourra ressentir aisément les souffrances d'un être incompris et rangé dans un tiroir trop étriqué. Autobiographique certes, mais jamais nombriliste.

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Tous publics
Prix : 19,99 €
disponibilité
20/03/2014
image
2.35
HD 1 080p (AVC)
16/9 natif
bande-son
Français DTS-HD Master Audio 5.1
Français DTS-HD Master Audio 2.0
Audiodescription
sous-titres
Français pour malentendants, anglais
8
10
image
Voilà une copie qui fait honneur à la version cinéma. Les couleurs sont chaudes et soutenues, les noirs denses et profonds (voir les interludes dans le théâtre, plongé dans la pénombre, pour en juger), et on profite d'un très bon niveau de détail, à tous les niveaux de plans. Ajoutons à cela une compression discrète qui sait se faire oublier et des contrastes appuyés. Idéal pour apprécier le film dans des conditions proches du rendu en salles.
7
10
son
En DTS-HD Master Audio 5.1, les enceintes arrière sont peu sollicités, servant simplement à amplifier certaines phases musicales en répartissant le son sur les canaux avant et arrière à un instant-clé (lors de la scène de danse sévillane ou durant la séquence de la piscine, sur fond de Don't Leave Me Now de Supertramp). Une utilisation bien timide, mais qui évite la surenchère inutile. Car si le film accorde une grande importance à la BO, avec une belle présence en avant, ce sont surtout les voix qui comptent. Et là, aucun souci à déplorer, chaque syllabe se découpant parfaitement, ce qui n'est pas toujours le cas avec les films français qui pâtissent parfois d'une certaine confusion au niveau des dialogues. Quant à la stéréo, elle met parfaitement en valeur l'ensemble voix/musique. On note toutefois très peu de différences entre les deux versions.
5
10
bonus
- De la scène à l'écran (40')
Guillaume Gallienne, Claude Mathieu (metteuse en scène du spectacle et conseillère artistique du film) et Olivier Meyer (directeur du théâtre de l'Ouest parisien et producteur du spectacle) racontent la genèse du spectacle, à l'origine du long métrage. À travers leurs propos, on comprend toute la douleur qui a nourri l'écriture du texte, tragédie qui n'a pu se muer en comédie que grâce au talent d'acteur de Gallienne, à sa volonté d'incorporer de la légèreté dans ces confessions terribles. Ce module de 40' permet de comprendre toute la difficulté du travail d'écriture, d'adaptation et d'interprétation. Livrer une vraie comédie tout en réservant des moments de douceur et d'émotion, sans jamais tomber dans le pathos, éviter de filmer une succession de sketchs lors du passage sur grand écran, faire du cinéma sans oublier l'origine théâtrale du projet… Un difficile exercice d'équilibriste que Gallienne a su accomplir avec l'aide de la fidèle Claude Mathieu, mais aussi de Xavier Giannoli qui a œuvré en qualité de script doctor au cours d'une journée, afin de pointer du doigt les imperfections, les points à clarifier. Un bonus qui devrait intéresser tous ceux qui désirent en savoir plus sur le processus de création d'une œuvre.
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