Curro était le pilote d’une équipe de malfaiteurs qui a braqué une bijouterie madrilène en 2007. Seul interpellé de la bande, il a purgé huit ans de prison et s’apprête à retrouver sa compagne Ana. Cette dernière, serveuse dans le modeste bar que tient son frère Juanjo, a une aventure avec José, un homme discret, copain de Juanjo, qui fréquente l’établissement depuis des années. La sortie de geôle de Curro démarre une secrète et abominable vengeance…
Raúl Arévalo, comédien espagnol qu’on avait pu découvrir notamment dans l’excellent polar La isla minima, livre ici une première réalisation bluffante qui a raflé quatre Goya, les César espagnols. Sur un scénario solide coécrit avec un psychologue, le film explore moins la vengeance elle‑même que les mécanismes ‑et dégâts moraux irréversibles‑ que celle‑ci fait peser sur le « héros ».
Pour mener à bien son entreprise, Arévalo joue le minimalisme efficace : chacune de ses scènes est dotée d’une ambiance très particulière et croque en quelques plans et dialogues ciselés l’essentiel des personnages crédibles et remarquablement construits. Le récit, taillé à l’os, offre une plongée suffocante dans la colère que le fragile vengeur du film s’active à entretenir jour après jour, depuis des années, tout en sachant qu’il y perd son âme et ses rêves d’une autre vie.
Aucune séquence grandiloquente, pas la moindre esthétisation de la violence et encore moins d’explications psychologisantes interminables. Le spectateur, en apnée, doit rester aux aguets afin de sonder le moindre geste, le plus petit regard d’un casting en or massif pour apprécier à sa pleine valeur l’âpre poison qu’offre cette vendetta sèche comme un coup de fouet.
Face à une telle maîtrise tant du cadre, du rythme que de la psychologie, on ne peut que constater l’évidence : Raúl Arévalo est, dès son premier film, un très grand du cinéma espagnol contemporain.