par Laurence Mijoin
22 décembre 2010 - 10h14

La dame de Shangai

VO
The Lady from Shanghai
année
1947
Réalisateur
InterprètesOrson Welles, Rita Hayworth, Everett Sloane, Glenn Anders, Ted de Corsia, Erskine Sanford
éditeur
genre
notes
critique
8
10
label
A

À Cuba, Michael (Orson Welles), marin irlandais en quête d’un embarquement, rencontre un soir Elsa, une magnifique jeune femme qu’il sauve des griffes de voyous. Le lendemain, Bannister, avocat impotent et riche mari de cette dernière, propose à Michael d’embarquer avec eux pour une croisière en direction de San Francisco. Mais rapidement, Michael comprend que le couple, ainsi que l’associé du mari, Grisby, manigancent quelque chose…

Les circonstances de la naissance de cette Dame de Shangai furent pour le moins singulières. En proie à des difficultés financières suite à la mise en place de sa dispendieuse pièce de théâtre Le tour du monde en 80 jours, Orson Welles appelle le patron de Columbia, studio dont sa femme, Rita Hayworth, est la star incontestée, et lui propose un projet de film contre une avance de 50 000 dollars. Ce projet, même Welles n’en connaît pas la teneur, et pour cause : il en a vendu le titre en apercevant la couverture d’un livre lu par une spectatrice du théâtre depuis lequel il passait le coup de fil. Le livre en question s’appelle If I Die Before I Wake. Il se trouve que les droits de l’œuvre sont aux mains de William Castle, futur petit maître de la série B horrifique et bon ami de Welles, qui peut ainsi librement s’en emparer.

Le résultat est, comme les deux précédents longs métrages du cinéaste (Citizen Kane et La splendeur des Amberson), singulièrement en avance sur son temps, et sera par là même incompris aussi bien par le studio que par les critiques et le public. Pur film noir aux élans graphiques fulgurants, La dame de Shangai baigne son héros naïf et manipulé dans un océan de faux‑semblants, Welles organisant ses dialogues et sa mise en scène de telle façon que le spectateur ait toujours la sensation que derrière les apparences se cachent d'autres vérités. Des vérités changeantes, fluctuantes, qui engluent doucement Michael dans une toile d’araignée tissée par un trio de riches bourgeois cupides, prêts à s’entredévorer et à sacrifier un innocent pour un peu plus d’argent (« Vous êtes des requins rendus fous par l’odeur de votre propre sang », dira Michael). Entre pulsions sexuelles inassouvies (celles éprouvées par Bannister l’infirme envers sa femme, par Grisby l’envieux ‑incarné de façon incroyablement mielleuse et démoniaque par un génial Glenn Anders‑, et bien sûr par Michael envers une déesse trop belle pour lui), et tensions sociales, la situation connaîtra un dénouement fatal au cours d’une séquence finale hallucinée située dans les dédales d’une attraction de fête foraine, sommet de surréalisme et d’expressionnisme amputé au montage par Harry Cohn, patron de Columbia, furieux du résultat…

Ce qui permet d’ajouter un niveau de lecture supplémentaire à cette Dame de Shangai, le personnage de Michael cherchant à conserver sa liberté au sein d’un univers clos régi par l’argent, rappelant bien sûr le combat mené par Welles au sein de Hollywood et des grands studios, institutions réfractaires aux velléités artistiques d’un cinéaste frondeur qui passera sa vie à lutter contre le système, sans jamais parvenir à le vaincre. D’un projet à l’origine opportuniste uniquement destiné à rembourser ses dettes, Welles fit ainsi une œuvre personnelle et avant‑gardiste, laboratoire de ses expérimentations narratives et formelles, tout autant que matrice idéale d’un genre, le film noir, qui fera par la suite les beaux jours de Hollywood.

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The Lady from Shanghai
Tous publics
Prix : 14,99 €
disponibilité
03/11/2010
image
1.33
SD 576i (Mpeg2)
4/3
bande-son
Français Dolby Digital 1.0
Anglais Dolby Digital 1.0
Allemand Dolby Digital 1.0
Italien Dolby Digital 1.0
Espagnol Dolby Digital 1.0
sous-titres
Anglais, français, arabe, bulgare, tchèque, danois, néerlandais, finnois, allemand, grec, hébreu, italien, espagnol, allemand, hindi, hongrois, norvégien, polonais, turc
7
10
image
Certaines séquences et images de transition souffrent encore des ravages du temps (rayures, points blancs), mais dans l’ensemble, l’image profite d’une définition correcte, d’une compression discrète et de contrastes stables qui rendent justice au magnifique noir et blanc. On aurait simplement apprécié un peu plus de précision pour une œuvre de cette trempe.
5
10
son
Si la piste mono anglaise s’en sort avec les honneurs grâce à des dialogues clairs et à une musique plutôt bien mise en valeur (malgré quelques rares saturations), la piste française est, elle, d’une piètre qualité. Les doublages nasillards, typiques du cinéma hexagonal de l’époque (alliés à une francisation crispante des noms, Michael devenant… Michel), ne rendent pas justice à la modernité des dialogues originaux, et leur qualité sonore déçoit, à la fois étouffée et grésillante. La musique souffre des mêmes problèmes.
7
10
bonus
- Commentaire audio de Peter Bogdanovich
- Interview de Peter Bogdanovich (21')
- Filmographies
- Films-annonces
- Galerie de photos
Peter Bogdanovich, qui fut longtemps en contact avec Orson Welles et fut l’auteur d’un livre d’entretiens avec le cinéaste intitulé Moi, Orson Welles, était particulièrement bien placé pour évoquer l’homme et son œuvre, ce qu’il fait au cours d’un commentaire audio passionnant de bout en bout. Dommage que l’interview du même Bogdanovich soit sévèrement redondante. Elle a comme seul mérite de synthétiser les informations du commentaire pour ceux qui ne désireront pas écouter celui-ci dans son intégralité.
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