par Laurence Mijoin
15 juin 2011 - 14h02

La corde

VO
Rope
année
1948
Réalisateur
InterprètesJames Stewart, John Dall, Farley Granger, Joan Chandler, Cedric Hardwicke, Constance Collier
éditeur
genre
notes
critique
10
10
label
A

Dans leur appartement new‑yorkais, deux étudiants, Brandon Shaw et Phillip Morgan (John Dall et Farley Granger), décident d’assassiner froidement l’un de leurs camarades, David (Dick Hogan). Ils l’étranglent puis cachent le corps dans un coffre. Pour couronner leur « œuvre macabre », ils organisent une petite réception à laquelle sont conviées la petite amie et la famille de la victime. Comble du cynisme, le buffet est disposé sur la malle qui sert désormais de cercueil au défunt. Mais l’un de leurs professeurs, Rupert Cadell (James Stewart), est également de la partie. Celui‑ci, très philosophe, flaire quelque chose…

C’est le faux plan‑séquence le plus célèbre de l’histoire du 7e art, enseigné dans toutes les écoles de cinéma comme un modèle du genre. Faux, car à l’époque, il était impossible de filmer un long métrage en un seul plan, les bobines ne contenant alors que dix minutes de pellicule. Mais il y a également quelques coupes franches parfaitement assumées. Et, paradoxalement, ce sont celles‑ci que l’on remarque le moins, le systématisme des fondus au noir dans le dos des personnages étant devenu assez voyant. Le plan‑séquence n'est donc que la partie émergée de l'iceberg, tant cette entreprise expérimentale regorge de procédés ingénieux.

En décidant de filmer une pièce de théâtre, celle du dramaturge britannique Patrick Hamilton (inspirée d’un fait réel, celui de l’affaire Leopold et Loeb), Hitchcock voulait délibérément donner dans l’exercice de style via le procédé du plan‑séquence. Si celui-ci est entravé par les raisons techniques évoquées précédemment, le cinéaste dépassa largement ses objectifs. Car, paradoxalement, jamais théâtre filmé n’a été aussi cinématographique. Hitchcock explore toutes les possibilités offertes par ce huis clos, déplaçant sa caméra avec une grande souplesse (malgré les contraintes liées au mobilier), et réunissant dans un même espace restreint toutes les composantes du cinéma.

Ainsi, la bande originale est substituée par les morceaux de piano que joue le personnage de Phillip Morgan, placés aux moments opportuns dans le récit et jamais de manière gratuite. Il en est de même pour les éclairages, notamment à la fin du film : la lumière rouge et verte des néons de la rue, renvoyée dans l'appartement, devient plus qu’un simple élément du décor, elle contribue au suspense de la scène, encore plus inquiétante, presque baroque lors de ce climax. Chaque artifice s'impose alors comme un élément de la mise en scène. Le fond « est » la forme.

En somme, comme le font les personnages pour la beauté du geste en commettant un acte diabolique, Hitchcock fait de même en transgressant les lois du cinéma et du théâtre. Il s’agit donc ici de plaisir assumé. Celui du duo de criminels (à l’homosexualité latente, thématique passionnante mais impossible à évoquer de manière frontale à l’époque) goûtant une nouvelle expérience via le meurtre gratuit, et celui du cinéaste jouant avec les éléments techniques, les contraintes et les figures imposées. Mais il s'agit également de jeu intellectuel : appliquer les préceptes philosophiques de leur professeur pour les assassins, et contribuer à l’évolution culturelle du matériau pour le cinéaste.

Exercice de style au ludisme revendiqué, La corde contient de multiples niveaux de lecture, si l’on veut bien aller au‑delà de la prouesse formelle.

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dvd
cover
Rope
Tous publics
Prix : 14,99 €
disponibilité
08/02/2011
image
1.33
SD 576i (Mpeg2)
4/3 natif
bande-son
Français Dolby Digital 2.0 mono
Anglais Dolby Digital 2.0 mono
Espagnol Dolby Digital 2.0 mono
Italien Dolby Digital 2.0 mono
sous-titres
Français, anglais, espagnol, italien, portugais
7
10
image
Malgré quelques scories (points blancs notamment), la qualité de l'image est appréciable étant donné l'âge du film. Les couleurs sont bien nuancées sans être criardes, et la définition très correcte. Seule la compression s'avère un peu visible sur les zones sombres et certains arrière-plans.
7
10
son
Il faudra absolument préférer la piste anglaise, proposant des voix claires et bien présentes, tout comme les morceaux de piano. En effet, la version française s'avère très en deçà de la VO : les voix sont étouffées, sourdes et très en retrait, et les doublages manquent de conviction dans les passages les plus survoltés.
7
10
bonus
- Making of (sous-titré) (32')
- Compilation de trailers commentés par James Stewart (6')
- Galerie dephotos
- Trailer de La corde
Le making of vaut vraiment le coup que l'on s'y attarde, tant on y apprend de choses incontournables pour la compréhension du film : sa genèse, les conditions de tournage exigeantes, le caractère difficile de Hitchcock mais aussi son immense génie. On découvre que le thème de l'homosexualité ne pouvait pas être abordé frontalement pour cause de problèmes de censure et d'opinion publique à l'époque (Cary Grant et Montgomery Clift avaient d'ailleurs refusé de participer au film pour cette raison). Fait intéressant, les intervenants, notamment le scénariste Arthur Laurents, donnent leur avis sur le film avec franchise (celui-ci aurait préféré que Hitchcock ne filme pas le meurtre pour conserver le suspense jusqu'au bout). On profite aussi de la présence de l'acteur Farley Granger, qui interprète Phillip Morgan, et de la propre fille du cinéaste, Pat Hitchcock O'Connell. Fait assez exceptionnel, les bandes-annonces méritent un coup d’œil, pour la compilation de trailers commentés par James Stewart, mais surtout pour le trailer de La corde, qui ne montre aucune scène du film mais une séquence inédite dans laquelle la future victime discute avec sa petite amie. Original ! Enfin, la galerie de photos vaut également le détour, pour les très belles affiches et les photos de tournage.
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