par Laurence Mijoin
30 juin 2014 - 12h45

Blackfish

année
2013
Réalisateur
AvecTilikum, John Hargrove, Samantha Berg, Mark Simmons, Carol Ray, Dawn Brancheau
éditeur
genre
notes
critique
8
10
label
A

Blackfish. C’est ainsi que les Amérindiens du Nord‑Ouest Pacifique appellent l’orque, animal vénéré, dont la beauté et la puissance sont glorifiées sur les totems du nord des États‑Unis et du Canada. S’éloignant du nom anglais de l’orque (killer whale, soit baleine tueuse, ce qui a contribué à diaboliser le cétacé), la réalisatrice Gabriela Cowperthwaite a repris à son compte le surnom amérindien pour le titre de son documentaire. Comme pour rappeler en préambule le caractère sacré de la créature. Et avertir ses profanateurs de la malédiction qui pèse sur eux.

Car, telle la momie qu’on dérobe à sa sépulture, l’orque qu’on arrache à ses parents et à l’océan pour nous divertir dans des parcs aquatiques aux bassins ridicules peut déclencher des cataclysmes. Inoffensif pour l’homme en liberté (aucune attaque n’a été répertoriée), parfois même amical (comme l’orque Luna qui a cherché la compagnie des humains dans une baie près de Vancouver, jusqu’à connaître une fin tragique), ce mammifère marin à l’intelligence hors norme peut adopter un comportement radicalement différent en captivité.

C’est à cela que la documentariste s’est intéressée avec Blackfish, se focalisant sur Tilikum, orque mâle capturée en 1983 à l’âge de 2 ans, en Islande. Plus grand spécimen en captivité au monde, il n’a quasiment connu que l’enfermement, dans des delphinariums, tout d’abord au Sealand of the Pacific (en Colombie‑Britannique, parc aujourd’hui fermé) puis au SeaWorld d’Orlando, en Floride, où il vit toujours. Et en plus de trente ans, l’animal a défrayé la chronique, causant la mort à trois reprises. Si les deux premières victimes ont peu fait parler d’elles, la troisième, Dawn Brancheau, dresseuse star de SeaWorld, a été tuée en 2010 par l’animal devant le public. Difficile d’enterrer l’affaire…

Gabriela Cowperthwaite a cherché à comprendre les raisons d’un tel écart de comportement entre l’épaulard sauvage et captif. La réalisatrice a donc mené l’enquête, interrogeant notamment les ex‑dresseurs de SeaWorld, mais aussi des spécialistes des orques, sur les conditions de vie de l’animal dans le parc et son histoire. On découvre ainsi avec effroi comment se déroulaient il y a une trentaine d’années les captures des orques (seuls les petits étaient choisis pour des raisons de transport, mais certains adultes y laissaient leur peau), comment vivent les animaux quand ils ne sont pas en représentation (dans des bassins encore plus exigus, attaqués par des congénères hostiles car n’appartenant pas au même groupe social), comment ils dépérissent peu à peu jusqu’à devenir agressifs et représenter un danger pour ceux qui les nourrissent. Et finalement causer la mort de ceux qui les aiment le plus.

Car voilà l’envers du décor de ces parcs aquatiques qui réalisent des profits considérables grâce aux orques, clous du spectacle. Des animaux frustrés, déprimés (il faut voir la séquence déchirante de l’enlèvement à sa mère d’un bébé né en captivité pour le placer dans un autre parc), allant parfois jusqu’à se laisser mourir. Et des dresseurs qui courent un grand danger à travailler auprès de ces bêtes malmenées par l’homme (car si les cas de décès restent rares, les blessures, elles, sont fréquentes).

Gabriela Cowperthwaite, qui, à l’origine, n'était pas une activiste mais est désormais dévouée à la cause, parvient à livrer une vision jamais manichéenne du sujet, traitant avec autant d’attention et de respect le problème du mal‑être des orques que celui de la menace qui plane sur les employés de ces établissements, dont les responsables n’ont pas hésité pas à mentir pour rejeter la faute sur Dawn Brancheau (selon eux, sa queue de cheval aurait attiré l’orque, alors qu’elle aurait en réalité été saisie par le bras). On pourrait simplement regretter que cet excellent et indispensable documentaire ne laisse pas plus de place aux scientifiques et spécialistes des cétacés, ce qui aurait permis de découvrir un peu plus les mœurs et l’intelligence de cette majestueuse créature, forcément inadaptée à la captivité. Comme tant d’autres espèces, mais ceci est une autre histoire…

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dvd
cover
Tous publics
Prix : 19,99 €
disponibilité
08/07/2014
image
1.78
SD 576i (Mpeg2)
16/9 compatible 4/3
bande-son
Français Dolby Digital 2.0
Anglais Dolby Digital 5.1
Anglais Dolby Digital 2.0
sous-titres
Français
7
10
image
Mélange d'images d'archives précieuses, issues de sources diverses, et d'interviews face caméra, le doc présente une qualité forcément variable. Concernant les prises de vues réalisées pour le doc, on note une bonne stabilité, des contrastes appuyés et un piqué satisfaisant. Seules certaines couleurs sont parfois un peu trop soutenues, ce qui a parfois tendance à rendre les visages un peu rouges.
7
10
son
Si trois pistes sont proposées (VF et VO Dolby Digital 2.0 et VO Dolby Digital 5.1), ce sont curieusement les deux pistes stéréo qui proposent l'expérience la plus dynamique, la version 5.1 étant trop en retrait avec une spatialisation peu pêchue et aux effets trop discrets. Le voice over de la VF est tout à fait satisfaisant.
7
10
bonus
- Interview de la réalisatrice lors du Festival du documentaire de Sheffield 2013 (18')
- Interview de la réalisatrice (8')
- La vérité sur les orques sauvages (5')
- Souvenirs d'un ancien dresseur de SeaWorld (5')
- Captifs et vulnérables (3')
- Captifs et vulnérables suite (3')
- Les alternatives à la captivité (2')
- Mort en captivité (2')
Une série de huit courts bonus qui apportent un complément d'information non négligeable au documentaire. La réalisatrice Gabriela Cowperthwaite, dans l'interview et la session de questions-réponses lors du Festival du documentaire de Sheffield 2013, évoque sa propre prise de conscience (mère, elle avait emmené ses enfants à SeaWorld et regrette de ne pas s'être interrogée plus tôt sur les conditions de vie des orques), son engagement pour la cause animale depuis son travail sur ce doc ou encore la difficulté d'obtenir des images d'archives. Dans les modules « La vérité sur les orques sauvages » et « Les alternatives à la captivité », le docteur Naomi Rose, professeur en biologie marine, rappellent quelques vérités essentielles sur les orques : dans la nature, ces animaux ne s'agressent jamais jusqu'à la mort alors que c'est arrivé à SeaWorld ; dans la nature, on n'a jamais recensé de décès humain dont l'épaulard serait responsable. La scientifique remet en cause le principe de SeaWorld, les orques étant des animaux totalement inadaptés à la captivité. Elle évoque toutefois d'autres formes d'observation des orques, dans des baies protégées par exemple, où les cétacés pourraient retrouver l'océan tout en bénéficiant des soins et de la protection des hommes. Dans les trois autres modules, d'anciens dresseurs pointent du doigt les conditions de vie des orques à SeaWorld qui n'ont pour effet que de causer leur mort prématurée. Piqûres de moustiques (un fléau en Floride) transmettant des maladies pouvant être mortelles (une orque est morte de l'encéphalite dans des conditions abominables, raconte un ex-dresseur), coups de soleil permanents, les orques passant la majeure partie de leur vie à flotter à la surface sans pouvoir bouger, dentition abîmée et qui s'infecte… Surtout, ce que ces anciens employés de SeaWorld soulignent, c'est l'intelligence hors norme de ces animaux qui leur ont procuré des émotions uniques et inoubliables.
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