le 10 mai 2012 - 10h37

Joel Schumacher

Joel Schumacher, réalisateur controversé, aimé ou détesté. 8 MM, Chute libre, Le droit de tuer, ses films ne laissent pas indifférent. En 2003, il récidive avec Phone Game et divise les opinions. Questions‑réponses sans fioriture mais avec humour.
A

 

Phone Game est un projet qui ne date pas d’hier et dont le scénario circulait à Hollywood depuis très longtemps. On a même évoqué Will Smith et Jim Carrey pour incarner Stewart… Comment avez‑vous été finalement contacté pour le faire ?

 

JS : la première fois que j’ai entendu parler du projet, c’est la Fox qui en détenait les droits et c’est Mel Gibson qui devait jouer le rôle principal. À ce moment‑là, mon emploi du temps ne me permettait pas de l’accepter. Je venais de faire Personne n’est parfaite et j’enchaînais sur Tigerland. Pendant ce temps, beaucoup de réalisateurs se sont intéressés au film. Les frères Hughes et Michael Bay à la réalisation, Will Smith, Jim Carrey et même Brad Pitt en tant que comédiens. C’est lorsque je suis retourné à la Fox pour monter mon film Tigerland que j’ai à nouveau entendu parler de Phone Game. Le projet n’ayant toujours pas abouti, on me l’a une nouvelle fois proposé. J’ai soumis l’idée d’employer ce jeune gamin (Colin Farrell, NDLR) que je venais de faire tourner dans Tigerland. Le studio m’a demandé si j’étais sain d’esprit. Puis les dirigeants ont vu le merveilleux accueil de Tigerland au Festival de Toronto et l’engouement suscité par Colin Farrell. Ils m’ont alors dit : « Si tu peux faire le film pour 1 $, alors on veut bien prendre ton inconnu ».

 

Justement, comment avez‑vous fait pour gérer aussi peu d’argent en aussi peu de temps pour que le résultat soit à la hauteur de vos espérances ?

 

JS : nous avions de l’argent pour douze jours, et à cause de l’hiver, nous n’avions de la lumière que jusqu’à

16 heures. Nous commencions à tourner à 7 h du matin, quatre caméras se baladaient un peu partout sans que personne ne sache vraiment s’il était filmé ou pas, ce qui permettait de maintenir un rythme efficace et

l’attention de tous. Le budget, à partir du moment où j’ai repris le projet en main, a été de 1,2 million de dollars. C’est infime à Hollywood. C’est parfois le prix de l’essence d’un jet pour les stars lorsqu’elles tournent ! Toute l’adrénaline et la tension liées à ce tournage si rapide se ressentent dans le film. Je suis certain qu’avec plus d’argent, il n’aurait pas été possible de faire un meilleur long métrage.

 

Est-ce le défi lié au budget et au temps de tournage infime qui vous a attiré ?

 

JS : en fait, je n’avais jamais vu ce type de film à l’écran, et à Hollywood, on a souvent l’impression de voir et revoir le même film sans arrêt. J’ai pensé que le sujet était si original qu’on tenait une opportunité de montrer au public quelque chose d’innovant. Je savais que cela allait être un énorme défi à relever, mais en même temps, on m’avait donné si peu d’argent pour le faire que le risque n’était pas si énorme.

 

Comment se fait‑il que le film ait mis autant de temps à sortir en salles ?

 

JS : il devait sortir à l’automne 2001 et il a dû être repoussé d’un an à cause de la catastrophe du 11 septembre, pour ensuite être une nouvelle fois reporté d’une année suite aux snipers de Washington. On a même fortement sous‑entendu que mon film avait inspiré le tireur fou de Virginie, dont la dernière victime en date a été abattue dans une cabine téléphonique. Je ne pense pas que mes films soient des vecteurs de mort ou une source d’inspiration pour les tueurs. Pour tout vous dire, je suis plus préoccupé par les femmes de Chicago qui tuent leur mari en espérant se faire défendre par Richard Gere pour amasser des fortunes…

 

De qui vous sentez‑vous le plus proche dans Phone Game ?

 

JS : de la cabine téléphonique (rires). Je ne sais pas.... Le public n’aime pas Colin Farrell au début, c’est un arrogant qui trompe sa femme, le public pense que c’est vraiment un trou du cul, pour ensuite être compatissant avec lui. Mais le personnage le plus épouvantable, c’est celui de Kieffer Sutherland, cette voix incroyable. C’est le plus hypocrite, celui qui tente de vous ranger à ses opinions en vous menaçant de vous tuer si vous ne vous exécutez pas. Comme dans Chute libre ou 8 MM, j’essaie de montrer des personnages qui ne sont ni totalement bons, ni totalement mauvais. Pour répondre à votre question, c’est le personnage incarné par Forrest Whitaker avec lequel j’ai le plus d’affinités. Mais en réfléchissant bien, en fait, je me sens peut‑être bien plus proche des prostituées, puisque je bosse à Hollywood !

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