le 10 décembre 2008 - 15h05

Bonnie and Clyde, l'amour à mort

« Alors voilà, Clyde a une petite amie. Elle est belle et son prénom, c’est Bonnie. À eux deux, ils forment le gang Barrow. Leurs noms : Bonnie Parker et Clyde Barrow », chantaient Serge Gainsbourg et Brigitte Bardot en 1968, quelques semaines à peine après la sortie du film d’Arthur Penn, consacré au couple de tueurs le plus célèbre de l’histoire du cinéma.

A

Écrit par Robert Benton (futur réalisateur de Kramer contre Kramer) et David Neumann, Bonnie and Clyde transforme un fait divers sanglant et crapuleux qui secoua l’Amérique des années 30 en une cavale romantique et désespérée, évoquant le mal‑être de la jeunesse au moment de la Grande Dépression. Les exactions de Bonnie Parker et Clyde Barrow commencèrent en 1930 et se poursuivirent sur une période de près de quatre ans, durant laquelle le couple maudit dévalisa des banques, assassina une douzaine de personnes et terrorisa les populations du Texas et de l’Oklahoma.

 

L'histoire vraie

Avril 1933. Le jeune voleur de voitures Deacon Jones, Buck le frère de Clyde et sa femme Blanche Caldwell, rejoignent Bonnie et Clyde. Ils forment le célèbre gang Barrow. Après des années de poursuites et de recherches vaines, les deux tourtereaux tombent dans un traquenard fatal. Le 10 avril 1934, non loin de Stateline, Nevada, l’aventure sanglante de Bonnie Parker et Clyde Barrow, ennemis publics N°1, prend fin en plein désert, sous les 167 balles des forces de police...

 

Briser la censure

Lorsqu’ils décident d’adapter l’histoire de Bonnie et Clyde, Arthur Penn et Warren Beatty (producteur du film) savent que bon nombre de cinéastes s’y sont intéressés auparavant. Parmi eux, Joseph H. Lewis, réalisateur solide de séries B qui, en 1949, porte le couple à l’écran dans Gun Crazy (sans doute son meilleur long métrage). Dix ans plus tard, William Witney réalise The Bonnie Parker Story, un petit film noir consacré à la vie (romancée) de Bonnie Parker. Des adaptations contraintes de se soumettre aux règles drastiques du fameux Code Hays, obligeant les cinéastes à redoubler d’ingéniosité afin de contourner la censure. En 1968, les conditions de production ont changé : le sang se prépare à inonder les écrans de cinéma (Sam Peckinpah tourne la même année son apocalyptique Horde sauvage). La violence inhérente à l’histoire originale du couple Clyde/Barrow fait alors son entrée sur grand écran. Penn brise les tabous qui cadenassaient jusque-là le cinéma et provoque l'ire de la critique. On conspue alors la violence déplacée du film (cf. la mort de Buck, le carnage final…), tout comme l’évocation à peine voilée de l’homosexualité latente de Clyde Barrow et la romantisation d’une histoire considérée comme immorale et sordide.

 

Le documentaire choc

Le film d’Arthur Penn, qui obtient dès sa sortie un succès phénoménal, est à l'origine d'une quantité impressionnante d’émules en tous genres. Quelques semaines après la sortie du film, Harry Buchanan, surtout connu pour ses navets teintés de SF (Zontar the Thing from Venus, The Eye Creature) réalise The Other Side of Bonnie and Clyde. Un documentaire de 74' sur la véritable histoire de Bonnie et Clyde, aidé par le capitaine Frank Hamer qui participa à l’embuscade du 10 avril 1934. On y trouve notamment des photos du cadavre de Bonnie Parker et un témoignage de Floyd Hamilton, ancien compagnon d’arme de Clyde Barrow.

 

Aux origines du genre

De l’histoire véridique de Bonnie et Clyde, la plupart des films qui suivirent ne gardèrent finalement qu’un thème central : la cavale suicidaire de deux jeunes amoureux un peu déjantés, symboles vivants d’une société au bord du chaos (perte de repères, absence d’autorité parentale, crise économique, fascination pour la violence). En 1974, Terrence Malick filme une version rurale de cette équipée sanglante dans La ballade sauvage (Badlands) avec Martin Sheen et Sissy Spacek. Puis, début des années 90, l’histoire de Bonnie et Clyde participe aux fondements d'un genre qui fera recette, les serial‑killers movies. Si Bonnie et Clyde ont commencé à tuer pour sauver leur peau, leurs descendants ne s’embarrasseront pas de raisons objectives… Ainsi, dans Kalifornia de Dominic Senna (1992), Brad Pitt et Juliette Lewis tuent‑ils exclusivement pour le plaisir. Trois ans plus tard, Oliver Stone donne sa version de Bonnie and Clyde culte et ultraviolente à travers Tueurs‑nés, avec Juliette Lewis, abonnée du genre, et Woody Harrelson. Fondés sur le principe de l’accumulation, les meurtres sans mobiles perpétrés par le couple phare du film de Stone apparaissent plus que jamais comme les symptômes d’une société au bord du gouffre, rongée de l’intérieur par une médiatisation à tous crins.

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