le 27 septembre 2010 - 17h32

Alain Resnais, la mémoire imaginaire

Personnalité majeure du cinéma français, Alain Resnais cultive le décalage et la discrétion. À 88 ans, le cinéaste n'a rien perdu de sa poésie et de sa folie. Retour sur une carrière atypique.

A

« Je souhaite approcher par le film la complexité de la pensée, son mécanisme interne. Dès que l'on descend dans l'inconscient, l'émotion naît. Et le cinéma ne devrait être qu'un montage d'émotions », avoue Alain Resnais.

 

Le sens plastique et narratif

Au sein du cinéma français, ce réalisateur occupe une place à part. Même s’il en est l’incontestable maître (chacun de ses films suscite une attente impatiente), il se tient à la marge, comme par méfiance des écoles, des styles à la mode et des catégories critiques. Sa filmographie témoigne d'ailleurs d’un éclectisme rare, de Hiroshima mon amour en 1959 à On connaît la chanson, l’un des derniers succès populaires du cinéma d’auteur en 1997. Avant tout, Resnais se reconnaît par son exigence, son goût pour le mélange des formes nobles et triviales : bande‑dessinée dans I Want to Go Home, variété dans On connaît la chanson, soap‑opera dans Smoking/No Smoking. Mais également par sa volonté d’expérimenter aussi bien son sens plastique (les effets de symétrie dans L’année dernière à Marienbad, les plans noirs traversés de flocons dans L’amour à mort), que narratif (le diptyque Smoking/No Smoking qu’il réalise en 1993 constitue de ce point de vue un véritable tour de force, qui explore toutes les possibilités narratives de chacune des situations).

 

Question de temps

À peine vingt films en cinquante ans de carrière, autrement dit un rythme lent pour un cinéaste absolument inclassable. Alain Resnais naît à Vannes en 1922 et se passionne très tôt pour tous les arts. Féru de littérature, il se délecte des aventures de Harry Dickson et des écrits de Marcel Proust, dont il retiendra le jeu sur le temps, l’une des constantes majeures de ses films à venir. Le temps comme matière malléable (L’amour à mort, L’année dernière à Marienbad), comme matière du souvenir et du choc des niveaux de réalité (Providence). Le temps enfin comme mémoire (voir les longs travellings dans les allées de la Bibliothèque Nationale dans Toute la mémoire du monde en 1958).

 

De Fantômas à Guernica

Dès l’âge de 14 ans, Resnais réalise de petits courts métrages en Super 8 (dont une adaptation de Fantômas), souhaite devenir libraire et s’inscrit finalement aux cours Simon en 1940. Trois ans plus tard, il entre à l’Idhec. Il côtoie alors le monde du spectacle, fait de la figuration dans Les visiteurs du soir de Marcel Carné et devient assistant sur Paris 1900. C’est en 1948 qu’il fait ses débuts dans la réalisation grâce à Pierre Braunberger, l’un des producteurs phares de la Nouvelle Vague, qui finance son court métrage sur le peintre Van Gogh. André Bazin salue le talent de ce cinéaste en herbe, mais il faudra attendre 1950 (Guernica, un documentaire sur le tableau éponyme de Picasso), et surtout 1956 (Nuit et brouillard), pour que le nom de Resnais s’impose. En 1959, il signe son premier film de fiction, Hiroshima mon amour, date importante de l’Histoire du cinéma français. La voix d’Emmanuelle Riva récitant un texte de Duras restera longtemps dans les mémoires… L’année dernière à Marienbad, qu’il coécrit avec l’égérie du Nouveau Roman, Alain Robe‑Grillet, montre enfin Resnais comme un cinéaste de génie. Jeu sur les temporalités et les espaces, doté d’une lumière en noir et blanc magnifique, le film obtient un succès critique énorme. Voyage onirique, énigme narrative passionnante, il témoigne du goût de l’homme pour les réalités parallèles et les fantasmagories que l’on retrouvera aussi dans Je t’aime je t’aime (1968) et surtout Providence en 1977.

 

Ses fidèles

Au cours des années 80, Alain Resnais réalise notamment trois films qui marquent sa rencontre avec son quatuor d’acteurs : Arditi, Ardant, Dussollier et surtout Sabine Azéma, sa compagne. Malheureusement, il ne trouve guère son public jusqu’à On connaît la chanson (1997), qui obtient un succès populaire important. Ses films suivants (Pas sur la bouche, Cœurs, Les herbes folles) semblent emprunts de mélancolie.

 

Filmographie sélective

1948 à 1961 : Van Gogh, Guernica, Les statues meurent aussi, Nuit et brouillard, Toute la mémoire du monde, Hiroshima mon amour, L’année dernière à Marienbad • 1963 à 1976 : Muriel, La guerre est finie, Je t’aime je t’aime, Stavisky, Providence • 1980 à 1993 : Mon oncle d’Amérique, La vie est un roman, L’amour à mort, Mélo, I Want to go Home, Smoking/No Smoking • 1997 : On connaît la chanson • 2003 à 2009 : Pas sur la bouche, Cœurs, Les herbes folles

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