Chien 51
Dans un futur proche, Paris est divisé en trois zones, pour autant de classes sociales. La ville est sous la protection d’une IA nommée Alma. Lorsque l’inventeur de celle‑ci est assassiné, Salia, une enquêtrice de la Zone 2, et Zem, un policier de la Zone 3, s’associent pour trouver le coupable.
Pastiche 51
À part une vague trame et une ossature narrative, il ne reste pas grand‑chose du roman politico‑écolo et nostalgique de Laurent Gaudé, que le réalisateur marseillais Cédric Jimenez adapte ici avec fougue. Déjà, transposer l’action d’Athènes à Paris était en soi une hérésie. On aurait adoré que le réalisateur filme sa cité phocéenne et non un Paris de carte postale futuriste.
Et confier les rôles principaux au duo cinématographique Adèle Exarchopoulos/Gilles Lellouche, une fausse bonne idée mais sans doute bankable. Cela plombe d’entrée le métrage. Non pas que les acteurs soient mauvais, mais ils sont clairement trop complices et le couple Zem/Salia ne fonctionne pas, ni dans sa phase chien‑chat, ni dans sa phase romantique (inutile). Il faut dire qu’ils ne sont pas aidés par la réalisation boursouflée de prétention et qui écrase ses acteurs. La scène du karaoké version 2045 sur fond de faux concert virtuel donne le ton.

© Ombeline Le Gendre-Martin - 2025 - Chi-Fou-Mi Productions - Studiocanal - France 2 Cinéma - Jim Films - Artemis Productions
Les chiens aboient...
Rien ne fonctionne vraiment dans ce Chien 51, qui oublie un peu la rage canine du roman original pour lorgner vers Minority Report et Les fils de l’homme (pour les références assumées). Le film, et c’est dommage car les moyens sont là, peine à établir un véritable univers cohérent, alors que c’est paradoxalement le personnage principal de l’intrigue.
Sans imagination, Chien 51 recycle les idées des autres et s’embourbe rapidement dans un grand barnum cinématographique, sans véritable cohérence pour aboutir à une intrigue classique vue, revue et ô combien à la mode.
Les trois zones sociales parisiennes au cœur de l’intrigue ont du mal à exister à l’écran, ou du moins ne sont jamais vraiment différenciées, hormis une vague opposition entre l’appartements haussmanniens du ministre de la Justice et celui bobo néo‑rétro du flic cassé par la vie. Et il faut bien plus que 3 tags et 4 poubelles renversées pour faire de Paris une capitale dystopique crédible, capable de rivaliser avec le Los Angeles tout aussi dystopique et pessimiste de Blade Runner (réalisé il y a plus de 40 ans !). Ici, les pluies ne sont plus acides, elles sont cinégéniques, et c’est bien le problème. En lorgnant vers le blockbuster calibré, le réalisateur de La French et de Bac Nord livre un polar futuriste certes, mais très impersonnel et surtout peu original, bien que ce soit un film de science‑fiction français, presque parisien, même.
Ah, ce plan sur la Tour Eiffel de nuit et les quais de Seine agrémentés de deux ou trois écrans géants, et cette belle réflexion de Gilles Lellouche : « J’avais oublié comme c’était beau ! ». Un must.

© 2025 - Chi-Fou-Mi Productions - Studiocanal - France 2 Cinéma - Jim Films - Artemis Productions
Chien de la casse
Il ne suffit pas non plus de faire exploser le budget HMC (habillage, maquillage, coiffure) pour transformer le haut du panier du cinéma hexagonal en acteurs solubles dans la science‑fiction. C’est un axiome : au cinéma, le ridicule tue et il faut souvent se pincer quand on voit le sort réservé par ce Chien 51 à Louis Garrel et Romain Duris, pour ne citer qu’eux. Les pauvres n’étant pas non plus aidés par leurs dialogues.
Reste que le film, avec tous ses défauts, peut divertir, pourvu qu’on n’ait pas trop d’attentes, qu’on ne connaisse pas le roman et qu’on soit surtout bon public. Nos acteurs français préférés font leur maximum, le réalisateur a le sens des scènes d’action, la bande‑son et le sound design sont aux petits oignons, et l’ambition est bel et bien là. Ça fait d’ailleurs du bien de voir un film français qui s’essaie à autre chose. Même la plupart des effets spéciaux fonctionnent, c’est dire.
Malheureusement, pas tous. C’est d’autant plus dommage quand il s’agit des drones et du jeu télévisé, pourtant si essentiels à l’intrigue (du moins pour les premiers, car pour les seconds, c’était plus dans le roman).
En somme, ce Chien 51 manque cruellement de mordant. Il est par bien des égards assez raté au regard de ses ambitions, mais n’est pas à renvoyer directement à la niche pour autant.