par Cédric Melon
11 juillet 2024 - 18h03

Civil War

année
2024
Réalisateur
InterprètesKirsten Dunst, Wagner Moura, Cailee Spaeny, Jesse Plemons
éditeur
genre
sortie salle
17/04/2024
notes
critique
9
10
label
A

Le nouveau film d’Alex Garland, réalisé de manière magistrale, propose une vision aussi spectaculaire que terrifiante d’une Amérique fracturée, en guerre contre elle‑même et vouée à l’autodestruction.

 

Pour raconter cette histoire qui s’inscrit dans un futur pas complètement réaliste mais crédible, le metteur en scène/scénariste s’inscrit dans le sillage d’un duo de journalistes, la vétéran Lee (Kirsten Dunst) et son collègue et ami Joel (Wagner Moura), binôme auquel viennent se greffer un pilier du New York Times (Stephen McKinley Henderson) et une photographe débutante (Cailee Spaeny). Le groupe met le cap sur Washington en quête de la dernière interview du président des États‑Unis sur le point de tomber. Entre eux et lui, une zone de guerre ultra‑dangereuse.

 

Profession : journaliste

Sans jamais chercher à expliquer quand ni comment le conflit a démarré, dans un contexte où l’armée bombarde son propre peuple et exécute les journalistes, sans jamais s’aventurer sur le terrain politique actuel, le cinéaste filme l’horreur de la guerre sur le sol américain en se concentrant sur ceux qui sont chargés d’en faire l’écho au monde : les journalistes et les reporters de guerre. Avec son panel à disposition, il illustre la profession dans absolument tous ses états. À commencer par Lee (époustouflante Kirsten Dunst), son héroïne impassible totalement mithridatisée par des années de terrain, qui se déplace en zone de guerre comme d’autres font leur course au supermarché. De l’autre côté du prisme, la jeune recrue (géniale Cailee Spaeny) apprend tant bien que mal à maîtriser sa terreur et son envie de vomir pour essayer de bien faire son boulot.

 

À l'image de ces journalistes de terrain, Garland documente la guerre sans en édulcorer la violence brute. Les images sont terrifiantes et la tension permanente. Les scènes ont d’autant plus d’impact que le cadre est précis, les ruptures de rythme saisissantes et la photo magnétique. Composées de manière magistrale, certaines scènes particulièrement percutantes restent longtemps en mémoire. Le metteur en scène s’autorise même dans son final à briser un tabou hollywoodien, plongeant le spectateur dans une torpeur insondable. On comprend aussitôt (enfin, diront certains) pourquoi Garland ne s’est pas aventuré sur le terrain politique actuel en refusant de se pencher sur le trumpisme et autres dérives idéologiques du moment qui, pourtant, lui tendaient les bras.

 

Bienvenue dans un monde sans valeurs

Son film est un temps plus loin. Un peu comme si l’affaire était déjà pliée au niveau du politique et que tout se jouait désormais sur le terrain médiatique. Le cinéaste préfère évoluer dans un no man’s land où plus rien n’a de sens, un monde où on ne sait plus qui est l’ennemi, où le chacun pour soi prévaut, où la Nation et ses valeurs ne sont plus que de lointains souvenirs. Un monde où le journaliste, autrefois quatrième pouvoir essentiel des démocraties, est réduit au rôle de chair à canon manipulable, sans arrêt à la traîne de l’histoire qu’il doit raconter.

 

Au même titre que Le prix du danger, La déchirure, Salvador ou encore Under Fire, avant d’être un film de guerre, Civil War est un grand film sur le journalisme. Garland prévient avec force et conviction que la profession, essentielle au monde démocratique, n’en déplaise à beaucoup trop de monde aujourd’hui, est en voie de disparition et que sans elle, c’est toute une civilisation qui s’écroule.

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4k
cover
- 12 ans
Prix : 24,99 €
disponibilité
23/08/2024
image
1.85
HD 2 160p (HEVC)
HDR Dolby Vision
HDR10
16/9
bande-son
Français Dolby Atmos
Français Dolby TrueHD 7.1
Français audiodescription
Anglais Dolby Atmos
Anglais Dolby TrueHD 7.1
sous-titres
Français, français pour sourds et malentendants
10
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image

Chaude comme la braise, précise, ultra‑détaillée (des objectifs particuliers ont été utilisés), fortement contrastée, dense en noirs et étrangement esthétique avec sa texture et son léger grain (on reste évidemment dans le monde de la photo), l'image de Civil War concoctée par le DOP Rob Hardy prend une envergure assez incroyable en 4K HDR Dolby Vision. Une claque visuelle qui peut déranger ou interroger, mais tenue de bout en bout et qui se réfère à des modèles du genre : Apocalypse Now bien sûr (la séquence des hélicos de l'armée) ou encore La chute du Faucon Noir (l'entraînement de la jeune photographe sur un hélico crashé au sol). 

 

Les astuces de tournage et SFX permettent des plans de toute beauté comme le survol de Washington DC de nuit (la production s'est appuyée sur une cartographie très précise pour coller à la réalité du terrain) ou des scènes d'attentat ou d'assaut particulièrement crédibles. Un long métrage tourné en 6K et 8K, taillé pour les installations les plus pointues, avec des gros plans puissants et millimétriques. Canon (double sens).

10
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son

Après un bruit blanc assez immersif en guise de pré‑générique, préparez‑vous à sursauter au fil des impacts, des déflagrations sonores, puis à respirer enfin sur les passages plus poétiques, avant de repartir de plus belle jusqu'à un final parfaitement ironique et choquant. L'ampleur n'est même plus un sujet tellement ce Dolby Atmos qui nous assaille de toutes parts, en toutes circonstances, épaulé par un caisson de basses très enjoué. Le travail de journaliste comme si vous y étiez au ras du bitume, des casques de protection et des horreurs captées dans l'objectif.

 

Mention particulière enfin pour le travail sur le score du film signé Geoff Barrow et Ben Salisbury, dont les titres musicaux particulièrement efficaces font littéralement progresser le récit. C'est grâce à la musique que l'on comprend que la jeune photographe débutante passe en une fraction de seconde du statut d'observateur impuissant et pétrifié à celui de vrai photographe de guerre. Un montage sonore passionnant, notamment emmené par les titres du groupe électro psychédélique Silver Apples, Suicide et Sturgill Simpson.

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10
bonus
- Réduit en morceaux - Mener la guerre civile d'Alex Garland, making of en six parties produit par Charles de Lauzirika (57')
- Questions/réponses avec l'équipe lors du festival South by Southwest
- Bande-annonce

Décryptage des séquences qui ont sans doute demandé le plus de ressource en compagnie des principaux intéressés et d'Alex Garland qui détaille patiemment son travail et son propos. Les comédiens analysent finement leur rôle pour compléter ce qui aurait pu nous échapper. Un bon making of complété par un questions/réponses lors d'un festival ciné US. 

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