The Mighty Nein
Avant de se lancer dans cette critique de The Mighty Nein, qui n’est pas une série d’animation fantasy comme les autres, un peu de contexte pour les néophytes qui ne connaîtraient pas Critical Role. Derrière ce nom se cache un groupe de rôlistes/comédiens de doublage professionnels américains qui ont décidé de transformer leurs campagnes de Donjons et Dragons en websérie diffusée en direct. Leur succès outre‑Atlantique et ailleurs est monstrueux.
Alors que la solide série d'animation The Legend of Vox Machina (dont l’ultime saison arrive bientôt sur Prime Video) adaptait leur première campagne, The Mighty Nein adapte la deuxième. Outre transformer en série d’animation des heures et des heures de discussions entre les joueurs et le MJ, ces adaptations ont comme point fort de réutiliser les joueurs/joueuses qui prêtent leur voix à leur personnage respectif. Difficile de faire plus immersif, investi et logique. Pour les amateurs de voix d'ailleurs, outre les joueurs/doubleurs talentueux de Critical Role, c’est un véritable festival de guests : Lucy Liu, Graham McTavish, Mark Strong, Ming‑Na Wen, Nathan Fillion et bien d’autres font une apparition pour quelques lignes ou plus.
Balourd's Gate
Notons tout de suite que les événements de The Mighty Nein, déjà renouvelée pour une saison 2 par ailleurs, se déroulent vingt ans après ceux de The Legend of Vox Machina. Il n’est absolument pas nécessaire d’avoir vu cette dernière pour profiter de la nouvelle, car presque aucun lien ou référence n’y sont faits. On retourne certes dans le monde d’Exandria créé par le MJ Matthew Mercer, mais les héros et l’intrigue n’ont rien à voir avec ce que racontait Vox Machina.
Une autre différence majeure existe entre les deux séries : là où la première propose des épisodes de 20‑30 minutes classiques pour de l'animation, The Mighty Nein fait le pari de passer au format 45 minutes. En découlent des épisodes riches en événements qui permettent au show d'être sur un pied d'égalité avec des drames en live‑action. D'autant qu'il s'agit ici définitivement d'animation pour adultes : les morts sont nombreuses et graphiques, les drames racontés intenses, pour une transposition encore plus mature et impactante que l'était Vox Machina.

Pour qui aurait malgré tout peur de la redite avec la première série, on appréciera de vraies différences sur le fond. Si l'animation est toujours très sage et classique (mais fluide et convaincante), les personnages principaux hauts en couleur de Mighty Nein, tous des criminels et des marginaux, sont encore plus réussis que ceux pourtant déjà formidables de Vox Machina. On appréciera spécialement leurs traits négatifs (alcoolique, ami imaginaire, pouvoir incontrôlable, sale caractère, passé trouble…), qui donnent vraiment l'impression de sortir d'une création de personnage de jeu de rôles (puisque c'est probablement le cas).
Faire du neuf avec du mieux
La formation du groupe malgré eux est également satisfaisante, car elle se fait et se défait assez naturellement au fil des épisodes sans être simplement acquise dès le départ. L'équilibre entre intrigue politique, intrigue magique (il y a évidemment une histoire d'artefact) ou encore quêtes personnelles, flashbacks et humour/drame est excellent : on ne s'ennuie jamais. Comme pour Vox Machina, la série donne régulièrement envie de regarder les séances de jeu de rôles à l'origine de la série pour voir comment les choses se sont réellement passées.
Critical Role et Prime Video auraient pu se rater ou tomber dans la redite avec The Mighty Nein, il n'en est rien. Il s'agit une nouvelle fois d'une excellente série d'animation qui séduira aussi bien les amateurs de jeux de rôles que ceux qui apprécient simplement la fantasy et les groupes de héros dysfonctionnels.