le 13 octobre 2025 - 16h15

Chien 51 de Cédric Jimenez, un film de niche ?

En adaptant le roman de Laurent Gaudé, Chien 51, Cédric Jimenez, le réalisateur de La French, de Bac Nord ou de HHhH, se lance dans la science‑fiction. Si le romancier se servait de la dystopie pour aborder des sujets comme l'écologie, les libertés individuelles et le pouvoir de l'argent, le réalisateur, lui, a préféré miser sur l'action. Le récit perd en épaisseur ce qu'il gagne en divertissement. Un choix bien assumé. 

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© Ombeline Le Gendre-Martin - 2025 - Chi-Fou-Mi Productions - Studiocanal - France 2 Cinéma - Jim Films - Artémis Productions

Chien 51 est un roman à part dans l’œuvre de Laurent Gaudé. Pourquoi avoir choisi d’adapter celui-là en particulier ?

Tout simplement parce que j’adore Laurent Gaudé : je le considère comme un auteur extraordinaire. Quand j’ai acheté Chien 51 et que j’ai lu la quatrième de couverture, je me suis dit : « Tiens, ça pourrait éventuellement faire un film ». Et en le lisant, j’ai été convaincu. Mais ce qui m’a surtout marqué, dans un premier temps, ce sont les deux personnages de flics, interprétés dans le film par Gilles Lellouche et Adèle Exarchopoulos. Leur relation m’a immédiatement captivé.

 

Ensuite, il y a eu toutes les idées foisonnantes de Laurent Gaudé : l’univers qu’il avait imaginé, le principe des zones, le jeu Destiny, le traçage… J’ai eu l’idée et l’envie de transposer tout cela à Paris. Un Paris futuriste, mais pas trop, plutôt dystopique. L’objectif était de critiquer notre société tout en gardant des marqueurs très reconnaissables de notre quotidien. En gros, c’est comme ça que j’en suis arrivé à adapter Chien 51.

 

Mais alors, pourquoi ne pas l’adapter à Marseille ? Le roman a pourtant un ancrage très fort dans le Sud…
Justement, je voulais que le monde qu’on imagine soit représentatif de la société française dans son ensemble. Quand on dit que ça se passe à Paris, on sait que ça pourrait se passer partout en France. Marseille, c’est ma ville de cœur, je l’adore plus que tout, mais ça reste une ville de province. Paris m’a semblé plus appropriée pour raconter le pouvoir et l’élite.

 

Vos films sont souvent adaptés de faits réels, ce qui n’est pas le cas ici…
Après mes films précédents, j’avais très envie de me tourner vers la fiction pure, justement pour gagner en liberté créative. Les films inspirés de faits réels imposent un cadre : on doit rester fidèle à la réalité. Alors que dans la fiction, la liberté est totale : narration, personnages, rebondissements, décors… Tout est inventé. C’est le principe même de la fiction. Et le futur en est la quintessence : on ne peut s’appuyer que sur l’imaginaire. Ce projet m’offrait une nouvelle liberté de création.

 

Est-ce facile de faire un film de science‑fiction français ?
On a souvent l’impression que les Américains ont le monopole de ce cinéma, mais tout change quand on en fait un bon. Je ne suis pas tout à fait d’accord avec les critiques qui visent les films français d’anticipation. Oui, le public est habitué à voir ce genre de film venir des États‑Unis, mais si un film français de ce type procure autant de plaisir qu’un film américain, alors le pari est gagné.

 

Il y a effectivement un risque à faire un film de genre en France, mais ce serait dommage de penser que tel cinéma est réservé à tel pays, comme tel sport à telle nation. Il faut au contraire ouvrir les possibilités et se dire que nous aussi, nous en sommes capables. C’est un challenge merveilleux, un genre que j’adore : si on a envie de le faire, il ne faut pas se priver. Quitte à échouer, mais il faut essayer, et donner autant de plaisir aux spectateurs qu’un film américain.

 

Dans ce film, le curseur de l’action est poussé à son maximum, même par rapport au roman. Vouliez‑vous vous faire plaisir avec un vrai film d’action qui impressionne ?
C’est vrai, comme je le disais, j’avais cette volonté d’aller vers la fiction pour gagner en liberté, et me faire plaisir. Dans ce genre de film, il y a une promesse : beaucoup d’action, de spectacle, une expérience cinématographique ample. J’avais effectivement envie de donner beaucoup de rythme au film, de proposer de grosses scènes d’action, mais aussi des respirations à travers l’histoire de ces deux flics, qui est très belle. J’aime beaucoup le principe de la petite histoire dans la grande, que les Américains maîtrisent très bien. Finalement, je raconte souvent la même histoire : celle d’individus qui font face à une machine plus forte qu’eux, à une force supérieure. Mais c’est souvent par l’individu que la solution arrive…

 

Parlons enfin du casting. Pourquoi encore eux ?
D’abord, une question de confiance et de fidélité. Avec Gilles, j’ai construit ma carrière. C’est un acteur extraordinaire, doté d’une puissance de jeu rare. On se connaît si bien qu’en deux regards, on sait ce que l’autre veut. C’est très précieux sur un plateau, ça nous permet d’aller plus loin, de dépasser les barrières de langage, les mises au point.


Quant à Adèle, elle n’avait que cinq jours de tournage sur Bac Nord, mais j’avais été subjugué par sa personnalité, par sa puissance de jeu. Émotionnellement, elle est époustouflante, elle peut transmettre une émotion en une seconde, ce que peu d’actrices savent faire. C’est une bête de scène. En lisant le livre, je me suis dit : « C’est Adèle et c’est Gilles ». J’ai écrit le scénario pour eux.

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