par Émilien Villeroy
28 février 2023 - 11h08

Everything Everywhere All At Once

année
2022
Réalisateurs
InterprètesMichelle Yeoh, Ke Huy Quan, Stephanie Hsu, Jamie Lee Curtis
éditeur
genre
notes
critique
8
10
label
A

C’est un titre qui sonne comme une impossible promesse : « tout, partout, tout à la fois ». Et pourtant, il résume à merveille les ambitions du duo américain formé par les réalisateurs Dan Kwan et Daniel Scheinert pour leur deuxième long métrage (après Swiss Army Man en 2016) : un film total, maximaliste, qui empile les genres et les influences avec un appétit insatiable pour créer une aventure ébouriffante. Véritable poupée russe cinématographique, Everything Everywhere All At Once est une comédie absurde brillante qui cache un film d’action hors pair qui cache lui‑même un récit de science‑fiction haletant et où se niche finalement, en son cœur, une histoire familiale et générationnelle particulièrement émouvante. Et chaque épaisseur est aussi jubilatoire à découvrir que les autres.

 

D'abord le chaos
C’est le cas pour à peu près tous les films, mais on vous encourage vivement à découvrir Everything… les yeux fermés, sans rien connaître de son synopsis, tant la découverte des ramifications de son scénario est une pure joie, véritables montagnes russes qui emporte tout sur son passage pendant deux heures, succession d’ahurissants changements de ton. Mais, pour en dire le moins possible, le film suit Evelyn Wang, une immigrée sino‑américaine qui tient une petite laverie avec son mari. Première génération de sa famille à avoir grandi aux États‑Unis, cette cinquantenaire perd peu à peu le fil de son existence : démêlés administratifs avec les impôts, finances à sec, relation conflictuelle avec sa fille… le rêve américain semble bien loin. Et c’est exactement à ce moment‑là que tout bascule, quand elle apprend qu’il existe d’autres dimensions.

 

Ensuite le chaos
L’immense réussite de Everything… tient avant tout à son équilibre. Bien sûr, certains pourront lui reprocher sa réalisation chaotique, ses mille idées qui s’entrechoquent, la façon dont son scénario fait des sauts de puce permanents d’une humeur à autre, ou encore la manière dont le film vient singer et citer avec gourmandise des genres aussi variés qu’imprévisibles, principalement dans le cinéma asiatique des années 90 (à un moment, on touche au burlesque d’action comme à la grande époque de Jackie Chan, à un autre, la caméra se brouille pour ressembler à un film de Wong Kar Wai ‑ cinéphiles, préparez‑vous à des clins d’œil à foison).

 

Il y a quelque chose de très joueur et démonstratif dans cette profusion d’images et d’idées, un tantinet hyperactif. Mais derrière cette cavalcade, il y a avant tout un divertissement grand public hollywoodien comme on n'en fait plus assez : mémorable, inventif et à taille humaine. Quel plaisir de voir des séquences de combats étourdissantes mais lisibles, chorégraphiées avec maestria et humour qui se déroulent de façon décalée dans des bureaux grisâtres de l’administration fiscale (encore une touche Matrix). Quelle joie de découvrir un univers de science‑fiction simple, efficace, que l’on arrive à suivre dans ses plus incroyables délires autour de quelques personnages dans lesquels on peut se retrouver. Il y a des milliers d’idées qui se croisent, avec une passion débordante pour le cinéma, mais elles sont toujours au service d’une histoire simple, qui garde les pieds sur terre, même à l’autre bout du multivers : le douloureux et difficile dialogue entre les générations, et tout particulièrement pour les familles immigrées (une thématique décidément dans l’air du temps outre‑Atlantique avec Minari ou le récent Pixar Alerte rouge).

 

Encore le chaos

Et c’est le casting impeccable qui permet à cette histoire de vivre. En premier lieu l’immense Michelle Yeoh (à qui l'on souhaite un Oscar en mars prochain), qui met à profit ses décennies de maîtrise dans l’art du film d’action et d’arts martiaux (de Police Story 3 à Tigre & Dragon) mais aussi sa justesse d’interprétation pour faire d’Evelyn Wang, un personnage brisé qui va lentement retrouver sa puissance. Face à elle, Ke Huy Quan (Les Goonies) joue un mari romantique absolument adorable et Stephanie Hsu est une révélation dans son rôle de fille cherchant son indépendance dans les plus sombres recoins d’elle‑même. Une petite famille toute simple au milieu d’un film gigantesque, et une façon de parler de sujets intimes de la façon la plus extraordinaire. Face à ceux, difficile d’oublier également Jamie Lee Curtis (Halloween) en hilarante et inquiétante inspectrice des impôts tatillonne.

 

Et enfin le petit nuage
Évidemment, il y a une part de naïveté chez Everything Everywhere All At Once, particulièrement avec la façon dont le film joue parfois sur la corde sensible dans sa représentation des relations parents‑enfants. Le rouleau compresseur émotionnel est particulièrement de sortie lors du dernier tiers, qui ralentit un peu la cadence pour enfin parler à cœur ouvert. Mais impossible de reprocher aux Daniels même les séquences les plus tire‑larmes tant celles‑ci sont méritées, amenées avec beaucoup de sensibilité et de douceur. Peu importent alors les gros sabots : voici du cinéma qui rêve fort et grand, qui veut s’amuser de tout et célébrer la vie, et qui embarque le spectateur vers une pure sensation de contentement, nous laissant sur un petit nuage, à se demander si ce qu’on vient de voir était bien réel.

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Tous publics
Prix : 29,99 €
disponibilité
09/01/2023
image
1.85 et autres
HD 2 160p (HEVC)
HDR Dolby Vision
HDR10
16/9
bande-son
Français Dolby Atmos
Français Dolby TrueHD 7.1
Anglais Dolby Atmos
Anglais Dolby TrueHD 7.1
sous-titres
Français (imposé sur la VO)
10
10
image

Changement de formats pour les bagarres, trucages visuels, plans super malins tous azimuts, superposition des époques et des lieux, explosions de personnages qui se ressemblent tous : pas de doute, on est face à un objet filmique rare et foisonnant aussi efficace que subtil, jouant sur les détails pour ne pas rompre le fil. Un costume, une coiffure ou un simple accessoire sert de passerelle d'un monde à l'autre, le tout dans un grand tourbillon de bagarres qui feront date, renvoyant chacune à un modèle du genre. Bref, totalement régressif et créatif en même temps. 

 

Une claque visuelle techniquement impeccable (tournée en 4K) ni trop belle ni trop clinquante, juste jouissive et joliment piquée malgré les tonalités volontairement grisées. Le HDR Dolby Vision n'en fait pas trop mais apporte une lisibilité et une crédibilité totales. Bravo.

10
10
son

Énorme sound design qui fera date. Les scènes d'action quasi non-stop du film offrent également un univers audio luxuriant complètement fou. Si les effets directionnels se font discrets -on n'est pas chez Marvel- la dynamique fait notre bonheur et les enceintes s'activent pour garder le rythme. Elles balancent avec joie chaque nuance, chaque surprise, chaque petit son créé pour l'occasion.

 

Au même niveau que l'image, la bande-son n'est jamais à la traîne et joue parfaitement sa folle partition. Les basses sont ciselées et impactantes, la douche sonore s'abat dans la pièce et dessine très vite son nouveau statut de pure démo raffinée et efficace. 

 

Un dernier mot sur la VF, que l'on vous déconseille totalement tant elle vide le film de sa substance, de ses accents, de ses nuances, sans parler de sa folie maîtrisée.

10
10
bonus
- Commentaires audio des Daniels
- Making of (40')
- Making of N°2 (10')
- Scènes coupées commentées (14')
- Bêtisier (8')
- Clip (3')
- Entretiens avec l'équipe (4')
- Interview à Paris d'un des réalisateurs, Daniel Scheinert (8')
- Bandes-annonces

À film monstre, il fallait bien un précieux commentaire audio pour une approche plus posée et référentielle. Revoir le film une seconde fois n'est d'ailleurs absolument pas de trop tant il regorge de séquences riches, bourrées de détail, de clins d'œil et de décors fabuleux souvent issus des souvenirs  d'enfance du réalisateur Dan Kwan.

 

On perçoit le travail monstrueux opéré et l'ambiance bienveillante qui régnait sur ce tournage pourtant complexe. On est complètement ébouriffés d'apprendre que certaines bagarres ont été tournées sans effets spéciaux (Ke Huy Quan face à un vigil par exemple), et d'autres mises en place avec un talent rarement vu à l'écran, notamment les chorégraphies. Bref, un passage obligé.

 

Idem pour les deux making of. Il a notamment fallu donner l'impression d'une Michelle Yeoh « ordinaire » avec cheveux gris, un crève-cœur pour toute l'équipe mais qui se justifie totalement à l'image. Le film a par ailleurs été inspiré par les parents chinois du réalisateur Dan Kwan.

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