Arrivée à l’âge de 4 ans à la ménagerie du Jardin des Plantes de Paris, Nénette, femelle orang‑outan originaire de Bornéo, a aujourd’hui la quarantaine bien tassée. Un record pour un individu de cette espèce. Chaque jour, la doyenne des lieux voit défiler des centaines de visiteurs, les contemplant avec un regard qui semble en dire long…
À l’origine, le réalisateur de films documentaires Nicolas Philibert (Être et avoir) avait eu l’idée d’un court métrage en se promenant au Jardin des Plantes, remarquant l’attitude de la farouche Nénette face à des visiteurs qui se projetaient en elle. Le documentariste a poussé plus loin son observation, montrant le singe comme un véritable miroir dans lequel se reflètent les visages et les désirs des êtres humains qui viennent à sa rencontre.
Se reposant sur un dispositif de mise en scène ingénieux ‑filmer l’animal à travers les vitres de son enclos où se reflètent les visages des visiteurs‑ Nicolas Philibert capte chacune des mimiques de sa star, mettant à l’écart l’humain. Mais c’est pourtant ce dernier que l’on entend, à travers les voix d’enfants, d’adultes, d’adolescents, des soigneurs de la ménagerie ou encore du comédien Pierre Meunier, qui conclut le film avec un monologue. Chacun commente à sa façon le spectacle, de manière parfois naïve, parfois documentée, parfois touchante.
Mais ce qui frappe, c’est ce désir quasi systématique de verser dans l’anthropomorphisme, de retrouver une bribe de son humanité dans cet être qui partage plus de 95% de son patrimoine génétique avec celui de l’homme, et dont les attitudes sont si proches des nôtres. Dans le regard de cette femelle orang‑outan fatiguée par le poids des années, on peut y voir une infinité de choses. Monolithique, est‑elle la sagesse incarnée, ou bien une vieille dame consternée par ce défilé incessant ? Pense‑t‑elle seulement ? Souffre‑t‑elle de cet enfermement long de plusieurs décennies ?
Livrant une œuvre contemplative, où règne le silence de l’animal face aux murmures continus des hommes, Nicolas Philibert parvient à soulever des questions passionnantes sur la condition des êtres vivants et le bien‑fondé de la captivité pour les espèces en voie d’extinction, mais use et abuse de son procédé jusqu’à l’écœurement. N’éloignant jamais son objectif de son sujet, il lie la forme de son film à son propos, livrant une véritable vision de l’ennui via une succession de plans fixes plus d’une heure durant. Le concept atteint vite ses limites, et aurait sans doute mérité un traitement plus condensé.