par Laurence Mijoin
22 juin 2012 - 11h22

Lettre à Anna

année
2009
Réalisateur
AvecAnna Politkovskaïa, Gary Kasparov, Zainap Gashaeva, Dmitry Muratov, Vera Politkovskaïa, Ilya Politkovsky
éditeur
genre
notes
critique
8
10
A

Le 7 octobre 2006 est retrouvé le corps sans vie d'Anna Politkovskaïa, tuée par balle dans son hall d'immeuble à Moscou. Le jour de l'anniversaire de Vladimir Poutine, président de la Russie. Toute sa vie, la journaliste au Novaïa Gazeta et militante des droits de l'homme a défendu la liberté d'expression, couvrant au péril de sa vie le conflit tchétchène et s'opposant fermement à la politique du gouvernement russe. Après une première tentative d'assassinat par empoisonnement en 2004, alors qu'elle se rendait sur les lieux de la tragique prise d'otages de Beslan, la menace planait toujours sur cette femme qui sentait la mort rôder. Ce 7 octobre arriva ce qu'elle attendait comme une issue inéluctable, avec la force et le calme de ceux qui savent, et le regard des désenchantés.

La force du documentaire d'Éric Bergkraut, c'est de faire revivre Anna Politkovskaïa (que le réalisateur filma entre 2003 et 2004), le temps d'une poignée de minutes. Son décès a poussé Bergkraut à refondre son projet, à réécrire sa partition, y ajoutant les témoignages des enfants de la journaliste, de son ex‑mari, de son rédacteur en chef au Novaïa Gazeta, de sa fidèle amie Zainap Gashaeva, militante tchétchène. Grâce à tous ces éléments et à des images d'archives révélant les exactions perpétrées en Tchétchénie, le documentariste est parvenu à recomposer le portrait d'une femme opiniâtre (à laquelle Catherine Deneuve prête sa voix), endurcie par les épreuves de la vie et d'un courage sans faille, dont les sourires étaient d'autant plus précieux qu'ils se faisaient rares. Un modèle de droiture qui traça avec dignité sa ligne de vie au sein d'une Fédération de Russie qui n'en paraît, en comparaison, que plus tortueuse et sibylline.

Pasionaria qui relégua sa vie privée au second plan ‑rappelant le jusqu’au‑boutisme d'une autre militante, Dian Fossey, qui connut elle aussi un sort tragique‑, Anna Politkovskaïa est montrée ici sans faux‑semblant, entièrement, à l'image de ce qu'elle était et revendiquait. Un document précieux, concis, émouvant mais sans pathos, et qui n'oublie pas de rappeler qu'Anna n'est hélas pas un cas isolé, et que d'autres meurent encore pour avoir osé user de leur liberté d'expression.

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dvd
cover
Tous publics
Prix : 15 €
disponibilité
03/04/2012
image
1.77
SD 576i (Mpeg2)
16/9 compatible 4/3
bande-son
Français Dolby Digital 2.0
sous-titres
Français (pour les bonus)
7
10
image
Images d'archives mises à part, la qualité globale des prises de vues est satisfaisante, restituée par une copie DVD à la compression stable et au niveau de détail très correct. L'image peut paraître un peu terne, mais jamais le film ne prétend à une quelconque recherche d'esthétisme. Nous sommes face à un document purement informatif, dépouillé et dénué d'effets de style. Le constat n'en est que plus âpre.
5
10
son
Une simple VF stéréo qui suffit amplement pour profiter du contenu sonore du film, aride, à l'instar de l'image. Pas de recherche formelle ici non plus, ce serait même plutôt l'inverse : Catherine Deneuve, qui prête sa voix à Politkovskaïa, opte pour un ton sobre, contenu, tout comme la voix off du réalisateur, minimaliste et dénuée de pathos. De même, les quelques morceaux de musique s'avèrent discrets, jamais envahissants. Une frugalité de chaque instant, qui ne laisse évidemment aucune place aux débordements sonores. Lacune du DVD : l'absence de sous-titres pour sourds et malentendants.
3
10
bonus
- Festival du cinéma pour la paix, Berlin 2008 (14')
- Remise du Prix Vaclav Havel, Prague 2008 (6')
Dans le bonus sur la présentation du doc au Festival du cinéma pour la paix à Berlin en 2008, Gary Kasparov, sacré plusieurs fois champion du monde d'échecs et aujourd'hui engagé en politique contre Poutine, accuse sans détour le Kremlin d'être responsable de la mort de la journaliste. Ainsi, comme on peut le voir dans le doc, Kasparov apparaît comme l'un des militants les plus investis dans la cause, n'hésitant pas à se faire porte-parole malgré les risques. Le reste du bonus, tout comme celui consacré à la remise du Prix Vaclav Havel par ce dernier, mort le 18 décembre 2011, ne présentent pas un grand intérêt. Dommage que le « surplus » de séquences d'Anna Politkovskaïa tournées par le réalisateur Éric Bergkraut ne soient pas disponibles en complément dans ce DVD. On aurait aimé en découvrir plus sur le parcours et la personnalité de cette journaliste hors normes.
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