Festival de la Fiction de La Rochelle 2025 : un cru puissant, entre coups de poing et déceptions

le 25 novembre 2025 - 07h58

Un autre père, Le diplôme, L’affaire Laura Stern, Phoenix… L’édition 2025 du Festival de la Fiction de La Rochelle a sacré des œuvres ambitieuses, souvent bouleversantes, parfois contestables. Tour d’horizon des principaux lauréats.

Présidée par l’autrice Virginie Grimaldi, l’édition 2025 du Festival de la Fiction de La Rochelle aura confirmé sa place de rendez-vous incontournable des séries et fictions télé. À ses côtés, un jury composé d’Alice Chegaray-Breugnot (scénariste/showrunneuse), Louis Farge (réalisateur), Juliette Sol (productrice), Yannick Choirat (comédien et scénariste), Sofia Essaïdi (comédienne et chanteuse) et du compositeur Clément Tery. Une édition qui s'est déroulée dans un climat particulièrement chargé en émotion, marqué par de nombreux hommages à Stéphane Strano, président du festival disparu en août dernier, et dont le nom a été donné au prix du Meilleur scénario.

 

Un autre père (unitaire, 90')

Diffusion : arte.tv le 5 décembre 2025, Arte le 12 décembre 2025

Comme souvent, c’est Arte qui tire le mieux son épingle du jeu avec Un autre père, triplement récompensé : Meilleur unitaire, Prix de la presse étrangère et Prix d’interprétation masculine pour Jean Le Peltier. Road-movie d’apprentissage contemplatif et envoûtant, le film impressionne par ses acteurs habités et un magnétisme latent qui finit par emporter l’adhésion malgré un rythme parfois presque rédhibitoire.

 

Thibaut, 40 ans, élève seul Gabriel, 7 ans, qu’il a adopté lorsqu’il travaillait au Sénégal. Confronté au mal-être soudain du petit garçon, obsédé par le dessin d’une mystérieuse silhouette féminine aux tresses, le père décide de repartir avec lui à Gorée pour retrouver sa mère biologique, Yawa. Ce voyage vers les origines de l’enfant fait remonter à la surface un autre lien brisé, obligeant Thibaut à revisiter sa vie amoureuse pour, peut-être, inventer une nouvelle famille.

 


Le diplôme (mini-série, 6 x 52') 
Diffusion : annoncée pour 2026 sur TF1

Le prix de la Meilleure série de 52 minutes, de la Meilleure comédie dramatique et de la Meilleure actrice reviennent au Diplôme, future mini-série de TF1 portée par une Clémentine Célarié au sommet de son art. La série surprend par la qualité de son écriture et par la noirceur, parfois très franche, de certaines situations, peu habituelle sur la chaîne. Sous ses dehors de feel good scolaire, Le diplôme bascule régulièrement vers une tonalité plus sombre, faite de regrets, de honte sociale et de secondes chances arrachées plutôt qu’offertes.

 

Six adultes -Delphine (60 ans), Leila (41 ans), Pierre (35 ans), Sam (66 ans), Hussein (26 ans) et Jen (21 ans)- qui n’avaient a priori aucune raison de se croiser, décident chacun pour des motifs très personnels de s’inscrire au lycée pour adultes de Paris afin de passer (ou repasser) le bac. Ces héros du quotidien aux trajectoires cabossées vont se retrouver sur les bancs de l’école à un âge où ça n’a plus rien d’évident, faisant du diplôme un enjeu aussi intime que social. C’est précisément dans ces failles que la mise en scène et les acteurs, Célarié en tête, trouvent leur meilleure matière.

 

 

L’affaire Laura Stern (mini-série, 4 x 52')
Diffusion : prévue sur France 2 en 2026

Côté drame pur, L’affaire Laura Stern décroche logiquement le prix de la Meilleure série 52' dramatique. Un choc. La série, aussi percutante que bouleversante, offre à Valérie Bonneton l’un de ses rôles dramatiques les plus puissants à ce jour. Elle y déploie une palette d’émotions d’une précision redoutable et transcende chaque scène. Autour d’elle, une troupe de seconds rôles au cordeau donne à l’ensemble une densité rare.

 

Laura, pharmacienne et mère de famille, a fondé Femmes Debout, une association qui vient en aide aux femmes victimes de violences. Quand elle assiste, impuissante, au meurtre d’une de ses protégées, son existence vacille. Traumatisée par ce féminicide et révoltée par la passivité de la police comme de la justice, Laura décide de répondre à la violence des hommes par sa propre violence, prête à tout pour protéger les femmes qui l’entourent.

 

Portée par une mise en scène tendue, jamais démonstrative, L’affaire Laura Stern s’impose comme à la fois coup de poing et coup de cœur du festival : une série engagée, viscérale, qui laisse le spectateur exsangue mais incapable de détourner le regard.

 

 

Phoenix (mini-série, 6 x 45')
Diffusion : en ligne sur france.tv depuis le 2 octobre 2025, sur France 2 depuis le 13 octobre 2025

On ne peut malheureusement pas être aussi enthousiaste pour Phoenix, pourtant sacrée Meilleure série 52’ suspense. Sur le papier, le projet avait tout pour séduire : un thriller écologique franco-allemand, des thèmes brûlants d’actualité, la promesse d’un récit choc sur le climat.

 

Au cœur des Alpes, les dirigeants des plus grandes entreprises européennes se réunissent autour d’un glacier menacé pour afficher leur volonté de lutter contre le réchauffement climatique. Derrière ce sommet très photogénique se cache en réalité une vaste opération de greenwashing. En face, un groupe clandestin de jeunes activistes venus de toute l’Europe décide de frapper fort : ils orchestrent l’enlèvement des enfants de ces puissants, disséminés sur le continent, pour dénoncer leur hypocrisie et forcer un réel changement.

 

À l'écran, Phoenix recycle sans grand éclat les recettes les plus datées du thriller des années 80 : complot XXL, rebondissements invraisemblables, personnages réduits à des archétypes. La série ambitionne de réveiller les consciences, mais son didactisme appuyé et ses grosses ficelles nuisent à toute forme de tension réelle. Décevant, son prix interroge : les bons sujets ne font pas toujours les bonnes séries, et Phoenix en est, hélas, l’illustration parfaite.

 

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