Patti Smith en Messie à la fête de l'Humanité

le 15 septembre 2025 - 11h06

Samedi soir, le punctum de l’édition 2025 de la Fête de l’Humanité : treize ans après son dernier passage, Patti Smith revenait sur la grande scène en papesse du punk rock. Un concert en forme de grand-messe, à plus d’un titre…

Depuis son déménagement sur la Base 2017 du Plessis-Pâté (Essonne), la Fête de l’Huma a un peu perdu de son âme. Plus grande, plus chère, plus mercantile aussi, année après année, le charme s’étiole. Le pass 3 jours qu’on nous enroule autour du poignet façon serflex en est sans doute l’indice le plus criant. À cause de ce système désormais inviolable, finis les gamins de la Courneuve revendant, sur le parcours d’arrivée à la Fête, leur bracelet acheté la veille. Il faut désormais prévoir. D’ailleurs, le site annonce ce soir complet, dommage pour la spontanéité. Restent les impondérables : les gros concerts, les discours, les stands, les bières, les merguez et, bien sûr, la pluie. Une Fête de l’Huma sans gadoue, ce n’est pas vraiment une fête réussie.


La papesse du punk rock aux prises avec les éléments 

Après une prestation honorable d’Eddy de Pretto, qui a un peu calmé la pluie (et la foule), l’icône arrive enfin sur les coups de 21h40. Pas le temps de souffler : bonnet sur la tête, lunettes sur le nez, Patti Smith commence son set par l’un de ses hymnes les plus connus, People Have the Power. Dès qu’elle pose le pied sur scène, la pluie, qui s’était calmée, redouble d’intensité. Les plus mystiques des spectateurs pourraient croire que la papesse du punk rock communique avec les éléments.


Qu’on ne s’y trompe pas : la foule présente ce soir, composée de très jeunes et de beaucoup plus vieux, n’est pas vraiment venue voir un concert, elle est venue voir Patti, la légende, l’icône, et communier à l’unisson. Qu’importe si, désormais, l’ex-protest-singer fait le grand écart politique. Deux jours avant d’enflammer la Fête de l’Huma, elle donnait un concert-surprise au Bon Marché-Rive Gauche, propriété de LVMH et donc de Bernard Arnault (alias l’homme le plus riche du monde).


Le son est impeccable, le groupe est carré, mais le concert n’en est pas vraiment un. Nous sommes à une messe célébrée par la chanteuse à la crinière d’argent, une cérémonie solennelle que l’on aurait d’ailleurs préférée dans une plus petite chapelle et non face à une foule digne de la place Saint-Pierre (ce sera le cas en octobre, pour les deux dates du Quartet prévues à l’Olympia). « Je suis ici ! » (en français dans le texte), prévient-elle avant d’enchaîner sur un poème d’Allen Ginsberg (Spell). Un texte lu d’une main tremblante sur sa feuille, en hommage à Gaza. Les titres s’enchaînent sans temps mort, avec des petits jams du quatuor façon années 60, tendance The Doors. 


Patti Smith, un morceau d'histoire américaine sur scène

À 21h15, la pluie s’arrête enfin (ou du moins se calme). Patti présente ses musiciens, en terminant par son fils à la guitare. Au gré des chansons, elle retire ses lunettes ou son bonnet et prend le temps de toujours présenter ses morceaux. Soudain, elle attrape sa guitare. La foule est en liesse et scande son prénom. Patti Smith n’est pas une chanteuse à voix, elle n’est pas une bête de scène non plus (elle arpentera qu’une seule fois la scène de long en large pour faire des coucous enfantins au public), mais l’émotion est palpable à chaque seconde du set. Le public est venu voir est entendre l'icône de presque 80 ans. Un morceau d'histoire américaine sur scène.


La foule attentive boit ses paroles, scande son prénom, et lance à l'unisson « Free Palestine » quand la chanteuse dédie une chanson à ceux qui ne sont plus là. Puis, Patti rappelle que le lendemain sera le 14 septembre, date d’anniversaire du père de son fils, son mari (Fred « Sonic » Smith) pour lequel elle a écrit les paroles de Because the Night ! Dès les premiers accords de son plus grand succès, la foule chante en chœur.

 

C’est bientôt la fin du (trop court) set. Patti se trompe sur le départ de sa reprise des Smashing Pumpkins (Bullet with Butterfly Wings), cafouille un peu avant de reprendre de plus belle : « No more lies, we want truth ! ». 


Elle remercie le public pour sa patience, venu l’écouter sous la pluie puis dédie le concert qui s'achève aux victimes de la cruauté et de la guerre, et évoque brièvement l’Humanité.

 

C’est déjà l’heure de se quitter sur un Gloria d’anthologie. Sa reprise de Them est tout bonnement exceptionnelle ce soir et le groupe n’hésitera pas à rallonger le morceau en guise d’au revoir. Il n’y aura pas de rappel, tout juste un « Bonne nuit ! » lancé à la foule. La messe est dite. Un peu court (une quinzaine de morceaux), mais intense. Une icône est passée.

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