le 13 novembre 2008 - 18h18

Je-Gyu Kang

D'un naturel discret et joyeux, Je-Gyu Kang change de visage lorsqu’il évoque son film et son pays. Ses yeux s’embuent…

A

 

Quand avez-vous décidé de faire ce film sur la guerre de Corée ?

 


JGK : en voyant à la télévision en 2000 un documentaire déchirant sur l’exhumation des combattants de la guerre de Corée. J’ai beaucoup pleuré en le voyant. Les images étaient si fortes que je me suis senti le devoir de faire un film sur la guerre entre les deux Corée. Ce documentaire a changé ma perception du conflit même si, quelque part, j’étais déjà impliqué personnellement depuis mon plus jeune âge avec les histoires que me racontaient mon père et mon oncle. Dans mon for intérieur, je me disais qu’un jour je ferais un film avec tout cela. Ce documentaire a été le dernier déclencheur d’un processus commencé il y a bien longtemps.

 

Votre long métrage a aussi des vertus didactiques…

 


JGK : je ne me suis pas contenté de reproduire les horreurs de la guerre, je voulais aussi tenter de comprendre la nature de ce conflit. La guerre de Corée a été d’une violence inouïe, a fait plus de 5 millions de victimes et a abouti à la séparation de la Corée en deux. Je voulais que les gens comprennent et assimilent les causes de ce conflit terrifiant qui a débuté en 1950 et duré trois longues années. Plus de cinquante ans ont passé et trop de Coréens ne connaissent pas les faits exacts. Il fallait éduquer la génération d’après-guerre, l’éclairer…

 

Quelle est la part de fiction et la part historique de Frères de sang ?

 


JGK : absolument toutes les batailles, leur ordre, leur issue et l’implication des différentes factions sont arrivés tels qu’ils sont décrits dans le film. Le drame qui se noue autour de cette famille et ces deux frères appartient à la fiction.

 

Il semble que ce sujet soit particulièrement délicat en Corée du Sud, voire pratiquement tabou…

 


JGK : pendant les années 50 et 60, il y a eu beaucoup de films anticommunistes primaires, de propagande, avec des budgets très moyens. À l’inverse, dans les années 80, faire un film comme le mien n’aurait pas été possible. Les autorités ne l’auraient pas autorisé. C’était bien d’attendre les années 2000. De plus, pour tourner un film réaliste comme le mien, avec toute l’ampleur et l’âpreté des batailles, il fallait des effets spéciaux, des figurants (jusqu’à 25 000 pour certaines scènes), décrocher un budget conséquent (Frères de sang a coûté 12 millions de dollars, c’est le film le plus cher jamais produit dans ce pays, NDLR), et obtenir le concours de l’armée.

 

Cela a-t-il été aisé de convaincre les autorités militaires ?

 


JGK : nous avons lutté. De par la nature même du genre, nous avions vraiment besoin du soutien de l’armée pour le réaliser. Elle nous a amené des figurants, du matériel, des tanks et toutes ces choses que vous voyez à l’écran. Mais je peux vous dire que nous nous sommes battus. Au départ, ils n’aimaient pas le scénario, ils voulaient tout changer. J’ai tenu bon et ils ont finalement décidé de nous aider. Mais il est arrivé qu’ils refusent de participer à des séquences qu’ils réfutaient complètement. Et dans ces cas bien précis, nous avons dû nous débrouiller par nous-mêmes.

 

Justement, quelle a été la réaction des autorités en voyant ce film, qui ne distingue jamais clairement « les bons et les méchants », mais évoque uniquement « les Coréens » ?

 


JGK : je ne suis pas quelqu’un de manichéen et mes films ne le sont surtout pas. Je n’aime pas donner de définitions claires et nettes de ce qui est bien ou mal, de ce qui est démoniaque ou ne l’est pas. Cela dépend d’abord de la personne qui fait le film et de celui qui va le recevoir. Cela peut être apprécié différemment par différentes personnes. Lorsque ce long métrage est sorti en Corée du Sud, les réactions des critiques ont été très négatives. Ils estimaient que le film sympathisait trop avec les Coréens du Nord. Or, Frère de sang dépasse le clivage Coréens du Sud contre Coréens du Nord, il s’intéresse avant tout aux êtres humains qui ont pris part à ce conflit, sont morts dans des conditions épouvantables, et cela sans jamais comprendre pourquoi ils se battaient. Si on ne devait retenir qu’une seule chose de mon film, j’aimerais que ce soit celle-là.

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