Au-delà des montagnes
En Chine, peu avant l’an 2000, Tao (Tao Zhao) doit choisir entre ses deux amis d’enfance. Zang (Yi Zhang) est propriétaire d’une station‑service florissante, plus modeste, Liang (Jing Dong Liang) travaille dans une mine de charbon…
Si Jia Zhang‑Ke (Plaisirs inconnus, A Touch of Sin) suit chacun de ses personnages sur une période temporelle délimitée (de 1999 à 2035), c’est pour décrypter les paradoxes et les dilemmes qui ne cessent de bouleverser la Chine trois décennies durant. Ces mutations aspirant par ailleurs l’innocence et l’intégrité de Tao, mariée à Zang puis divorcée et mère de famille esseulée. Leur fils prénommé « Dollar » par son géniteur (c’est dire son inclination matérialiste et la posture critique du cinéaste), exilé en Australie avec lui, porte inconsciemment les stigmates d’une parenté dépouillée de ses repères. Cette fameuse scène dans laquelle père et fils communiquent par logiciels de traduction interposés rompt définitivement le lien entre les deux générations.
Les effets du déracinement que la numérisation hystérique accentue se dissipent pourtant lors d’une scène de contemplation face à la mer, la voix de Dollar arrive jusqu’au foyer maternel, c’est une double reconnexion qui opère alors, d’une part avec Tao dont il garde un vague souvenir, d’autre part avec un pays tout entier, cette Chine inconnue dont sa mère lui a, un jour, symboliquement confié les clés, avant qu’il ne soit arraché à elles. Un miracle.