le 16 septembre 2025 - 09h22

Lucas Belvaux, du roman à l'écran

Avec Les tourmentés, le réalisateur Lucas Belvaux adapte son propre roman éponyme, paru il y a deux ans. Fausse variation sur l’histoire des Chasses du comte Zaroff, le film explore les tourments de l’âme humaine et reforme pour le cinéma le duo de la série D’argent et de sang : Niels Schneider et Ramzy Bedia.

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Lucas Belvaux sur le tournage des Tourmentés

Dans une interview que vous aviez donnée concernant le livre, vous disiez que vous étiez revenu au roman parce que vous en aviez assez du carcan du scénario, que la liberté de l’écriture et la beauté de la langue française vous manquaient. Pourquoi donc ce film ?

 

Je savais que, tôt ou tard, je referais des films. C’était une espèce de parenthèse. Vous savez, un film, c’est un autre objet. Moi, je ne crois pas qu’une adaptation soit une trahison. Je crois que c’est raconter autrement une histoire avec un autre médium, avec d’autres outils. Il faut juste envisager les deux choses comme des objets différents. Bien sûr, le plaisir de l’écriture est infiniment plus grand quand on écrit un roman, mais on n’a pas le plaisir de travailler avec une équipe, de travailler avec des acteurs… Il y a un plaisir à faire du cinéma ! Moi, je peux me payer les deux, donc il n’y a pas de raison de me priver.

 

D’où est partie l’idée ? On pense forcément aux Chasses du comte Zaroff

 

Oui, au tout début, il y avait l’envie de faire un remake des Chasses. C’était il y a presque 15 ans. Puis au moment de l’écrire, j’ai décidé d’en faire un roman et non un film. Je suis parti avec l’idée d’écrire un roman noir, en écrivant librement pour retrouver un peu l’innocence des débuts. Mais plus j’avançais dans le roman, plus je me rendais compte que raconter une chasse à l’homme ne m’intéressait pas vraiment. Cela avait beaucoup été fait, très bien d’ailleurs, notamment au cinéma. En fait, je me suis rendu compte que ce qui m’intéressait, c’était surtout : comment en arrive‑t‑on à faire ce pacte‑là ? Comment cela change‑t‑il la vie de ceux qui le signent ?

 

C’est un film où il n’y a pas vraiment de personnage principal, où le centre fluctue…

 

Effectivement. D’ailleurs, le roman était construit comme cela. D’abord, on raconte l’histoire du point de vue de Skender (Niels Schneider), après on glisse sur Max (Ramzy Bedia), et enfin on passe sur Madame (Linh‑Dan Pham). Le premier chapitre se termine par « Je m’appelle Skender » et le deuxième commence par « Je m’appelle Max »… Chacun va raconter à la fois sa vie, son ressenti, ses sentiments. Il n’y a pas cette construction‑là pour le film, parce qu’elle ne marche pas et qu’elle impliquait des voix off.

 

Le sujet du rapport à l’argent est un aussi élément essentiel du film ?

 

Oui, le film raconte deux choses sur l’argent, et c’est un des sujets principaux. Il rappelle que l’argent ne fait pas le bonheur ‑ça c’est pour Madame, du moins, il ne fait pas son bonheur à elle‑. Mais également que, quand on en manque, comme il en manque à Skender, on ne peut pas être heureux. Et donc, qu’il y a un moment où l’argent répare. Bien sûr, l’argent ne répare pas tout, mais tout de même beaucoup de choses. Quand on est dans la situation de Skender, dans la rue, on ne pense qu’à ça du matin au soir : comment en trouver, parce qu’il faut manger, se loger… Dans le monde tel qu’on le vit aujourd’hui, sans argent, on ne fait pas grand‑chose. La dignité passe aussi par là. C’est horrible, mais c’est comme ça… Pas que, bien sûr, mais la dignité passe aussi par là.

 

Quand on voit votre film, on ne peut s’empêcher de se demander si vous avez écrit le rôle pour Ramzy ?


Non, non, je n’écris plus pour personne maintenant. Je n’écris plus pour des acteurs précis. On passe tellement de temps à écrire un scénario qu’on s’habitue à l’acteur auquel on pense, et ça devient très, très difficile d’envisager quelqu’un d’autre si jamais cet acteur ne peut pas faire le personnage. Ça m’est arrivé sur des films précédents, et c’est douloureux.

 

Visuellement, votre film est assez sombre, à l’image de ce qu’il raconte, d’ailleurs

 

Il y a quelques scènes de nuit et des scènes de jour, mais qui sont sous la pluie, éclairées de façon particulière, en effet. Mais nous n’avons pas tout choisi. Parce qu’au cinéma, on ne maîtrise pas tout, du moins pas avec les moyens que j’ai. Donc, s’il avait fait beau quand on tournait dans les montagnes, le film aurait sans doute été un peu plus lumineux. C’est un peu un hasard, mais il me va très bien… Ce qui marche très bien avec ces scènes de montagne où il pleut, c’est que cela crée un environnement presque comme un univers mental. Un univers qui vient en parfaite opposition à celui dans lequel évolue Manon (Deborah François), qui est plus réaliste, et même clairement coloré. Les trois personnages principaux sont toujours en habits sombres. Le film pose clairement deux univers différents : d’un côté, la réalité, qui est le personnage de Manon, et puis les trois autres, qui sont dans une espèce de bulle spatiale, quasi temporelle. Ils sont dans un ailleurs, un autre monde : au milieu du Styx, entre la vie d’un côté, la mort de l’autre, et il va falloir choisir.

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