le 04 février 2020 - 14h00

Hallucinations mystiques et cauchemars domestiques : ce qu’il ne fallait pas manquer du festival de Gérardmer 2020 (partie 1)

Le Festival du film fantastique de Gérardmer s’est achevé ce dimanche 2 février. Une 27e édition en demi‑teinte à la compétition officielle très inégale malgré quelques belles surprises venues de jeunes réalisatrices et réalisateurs très doués.

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C’est dans la moiteur grelottante d’une pluie vosgienne ininterrompue que s’est déroulé le 27e Festival du film fantastique de Gérardmer, rendez‑vous incontournable pour les fans du cinéma de genre. Une édition en dents de scie mais qui aura célébré un vainqueur incontestable. Grand Prix du festival, prix de la Critique, des Jeunes et de la Meilleure bande originale : Saint Maud, premier long métrage de la Britannique Rose Glass, a tout raflé cette année.

 

Le festival Saint Maud

Un plébiscite mérité pour un film qui jouait de toute façon à cent coudées au‑dessus des autres. On y suit Maud, une jeune infirmière à domicile particulièrement pieuse que l’on charge de s’occuper d’une danseuse en phase terminale d’un cancer. Entre les deux femmes, un lien se crée et Maud cherche peu à peu à sauver l’âme de sa patiente avant sa mort. Allant crescendo vers le malaise et la démesure en nous plongeant pleinement dans l’esprit illuminé de son personnage principal (interprété avec un brio indéniable par Morfydd Clark ‑croisée dans Crawl, qui crève l’écran avec son regard impénétrable), Saint Maud est une franche réussite doublée d'un petit bijou d’horreur mystique.

 

Sachant cultiver son malaise sourd grâce à une mise en scène sèche, élégante et remplie d'idées visuelles marquantes (montage malin privilégiant le hors‑champ), Saint Maud a surtout un atout imparable : savoir conclure avec brio sa lente descente aux enfers jusqu'à une séquence finale et un ultime plan absolument renversants, de ceux qui restent fermement en tête après avoir quitté la salle. Après un Grand Prix incompréhensible l’an dernier, remis au détestable Puppet Master : the Littlest Reich, il y a de quoi être satisfait que le jury présidé par Asia Argento célèbre assez logiquement un excellent film et une nouvelle cinéaste pleine de talent. À découvrir de toute urgence au cinéma au mois de juin prochain.

 

 

The Lodge des Autrichiens Severin Fiala et Veronika Franz

Le Festival diffusait également hors‑compétition The Lodge, le deuxième film des Autrichiens Severin Fiala et Veronika Franz. Cinq ans après Goodbye Mommy, le duo nous propose un huis clos tendu dans un chalet perdu au milieu d’une tempête de neige. Coincés à l’intérieur et coupés du monde, un frère et une sœur traumatisés doivent vivre avec la nouvelle compagne de leur père, encore marquée par les séquelles d’une enfance sombre et macabre. Affichant sans vergogne ses influences (les personnages regardent The Thing de John Carpenter à la télévision, le scénario et le climat évoquent bien sûr Shining, tandis que l’obsession pour les miniatures renvoie au Hérédité d’Ari Aster dont le style froid tout en plans larges et ténébreux irrigue le film), The Lodge réussit à tenir en haleine avec intelligence grâce à son mystère, son ambiance glaciale et ses acteurs inspirés, particulièrement Riley Keough (American Honey), habitée jusqu’aux derniers instants du film. Malgré un dénouement assez déceptif, le film réussit tout de même à se clôturer avec intransigeance dans les ténèbres de son scénario.

 

 

Vivarium, un premier film

Sur le thème des intérieurs confinés effrayants et de la maison théâtre de l’horreur, Vivarium, premier film de Lorcan Finnegan. On y suit un jeune couple joué par les excellents Imogen Poots (Frank & Lola) et Jesse Eisenberg (The Social Network), effectuant une visite avec un agent immobilier glauque au sein d’un lotissement où toutes les maisons se ressemblent. Mais, au moment de partir, ils semblent incapables de trouver la sortie de cet enfer pavillonnaire. Avec ses allures d’épisode nihiliste de la Quatrième dimension, Vivarium est un film rageur sur un couple placé dans un pur enfer existentialiste, le tout baigné dans une esthétique volontairement lisse qui ne fait que renforcer l’artificialité étouffante de ce monde sans issue. Après ce départ glauque et sarcastique, Vivarium patine toutefois et semble lui‑même tourner en rond, conduisant ses personnages dans des culs‑de‑sac narratifs et refusant de dissiper son mystère pourtant au centre de la machine. Se bornant à frustrer le spectateur, Vivarium finit par n’être que l’ombre de sa promesse, laissant une légère impression de belle occasion ratée. Sortie salle le 11 mars prochain.

 

 

I See You, divertissante histoire de jeux de dupes

Plus classique de facture mais finalement plus satisfaisant, I See You d’Adam Randall avec Helen Hunt faisait lui figure de bonne surprise parmi les films hors‑compétition. Se déroulant dans une petite ville troublée par le retour d’un kidnappeur d’enfant, le film suit la famille d’un des inspecteurs de l’enquête dont le domicile semble être le théâtre de phénomènes étranges. Enchaînant les twists mécaniquement mais avec un sens du rythme très efficace, I See You semble réunir plusieurs films en un mais réussit finalement à raccorder ses wagons pour servir un thriller qui s’amuse des codes du home invasion et propose une ténébreuse et très divertissante histoire de jeux de dupes. Si certains regretteront la volonté de vouloir strictement tout expliciter, d'aucuns apprécieront que le film ne laisser planer aucune part d’ombre.

 

La suite des top et flop de Gérardmer 2020 dans une prochaine actualité, restez connecté.

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